Author: | ABEL HUGO | ISBN: | 1230000213430 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | January 27, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | ABEL HUGO |
ISBN: | 1230000213430 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | January 27, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Le nom de Joseph-Napoléon Bonaparte est un des premiers noms qui se soient gravés dans ma mémoire. Il se trouve mêlé aux souvenirs de ma plus tendre enfance.
Mon père commandait la place de Lunéville, à l’époque du congrès, où fut signée la paix entre la France républicaine et l’Autriche, vaincue à Hohenlinden. Le comte de Cobentzel y défendait les intérêts de l’empereur François, Joseph Bonaparte y était le plénipotentiaire du peuple français. J’avais alors quatre ans ; les ambassadeurs, quand ils ne recevaient pas chez eux, se réunissaient quelquefois le soir, ainsi que les personnes de leur suite, dans la maison de mon père.
Joseph m’avait pris en affection. Il m’en donnait souvent des témoignages sensibles pour un enfant, par de petits cadeaux de dragées et de ces confitures, si exquises en Lorraine. Je l’aimais beaucoup à cause de ses caresses et surtout à cause de ses bonbons. J’en étais si reconnaissant, que plusieurs années après, ma bonne mère me parlant des chagrins et des joies que lui avait causés mon enfance, et me rappelant quelques détails de nos soirées de Lunéville, fut très étonnée du frais souvenir que je gardais encore des bontés de Joseph Bonaparte.
Ce fut au congrès de Lunéville que mon père vit pour la première fois celui qu’il devait suivre plus tard à Naples et à Madrid ; ce fut à Lunéville que commença entre Joseph Napoléon et lui cette liaison, que l’ancien roi d’Espagne, dans ses lettres, appelle encore aujourd’hui de l’amitié, amitié bien réelle et bien éprouvée, puisqu’elle a résisté à ces deux grandes choses qui, d’ordinaire, n’ont pas d’amis, le trône et l’exil.
Peu de temps après l’élévation de Joseph au trône de Naples, mon père passa à son service. Il y devint colonel de cette belle légion corse qui se distingua d’une manière si remarquable tant au siège de Gaëte que dans la poursuite et la destruction de la bande de Fra-Diavolo. Il était en outre un des maréchaux du palais. J’ai souvenir d’avoir été conduit par lui à Naples, pour remercier le roi d’une place qu’il m’avait accordée parmi ses pages. Je n’ai jamais oublié le sourire bienveillant et le regard affectueux avec lesquels Joseph accueillit l’enfant qu’il avait connu à Lunéville.
Cependant j’étais encore trop jeune pour pouvoir profiter de la faveur qui m’était faite, on me ramena en France. Quelque temps après, mon père quitta l’Italie, et suivit Joseph en Espagne.
Après plusieurs années de séjour à Paris, en mars 1811, nous partîmes, ma mère, mes frères et moi, pour aller rejoindre mon père en Espagne. Il n’était pas à Madrid. Investi du gouvernement de la province de Guadalaxara, il était chargé, avec sa brigade, de couvrir la capitale contre les attaques de la division de don Juan Martin, vulgairement nommé l'Empecinado, partisan célèbre et digne de sa célébrité.
Le roi n’était pas non plus à Madrid, quand nous y arrivâmes. Il venait de partir pour la France, où il devait rester peu de temps. Pendant notre voyage, nous l’avions rencontré. C’était aux portes de Valladolid. Le convoi dont nous faisions partie avait dû se ranger sur le bord de la route, pour laisser passer son escorte et ses équipages. Joseph voyageait rapidement. Il avait avec lui une partie des chevau-légers de sa garde. Sa voiture rasa la nôtre. J’étais à la portière, tout yeux et tout oreilles. Le roi à son passage me parut triste et préoccupé. Il parlait avec chaleur à une des personnes assises en face de lui. J’ai su depuis la cause de cet air sombre qui me surprit alors. Il me semblait qu’un roi devait toujours être gai. Joseph allait à Paris sous le prétexte apparent d’assister au baptême du roi de Rome, mais dans le but réel d’abdiquer la couronne d’Espagne, et de remettre aux mains de l’empereur le sceptre dont il ne pouvait plus se servir pour protéger efficacement ses sujets
Nous restâmes à Madrid pour y attendre l’arrivée de mon père et le retour du roi. Nous fûmes logés dans l’hôtel du prince de Masserano, ancien ambassadeur de la cour d’Espagne à Paris, et grand-maître des cérémonies de Joseph Napoléon. Cet hôtel, qui était désert quand nous y entrâmes, occupe une place dans mes souvenirs. C’était un grand bâtiment situé à l’angle de la Calle de la Reyna, près de la magnifique rue d’Alcala, sans apparence extérieure, mais dont l’intérieur était magnifiquement décoré.
Le nom de Joseph-Napoléon Bonaparte est un des premiers noms qui se soient gravés dans ma mémoire. Il se trouve mêlé aux souvenirs de ma plus tendre enfance.
Mon père commandait la place de Lunéville, à l’époque du congrès, où fut signée la paix entre la France républicaine et l’Autriche, vaincue à Hohenlinden. Le comte de Cobentzel y défendait les intérêts de l’empereur François, Joseph Bonaparte y était le plénipotentiaire du peuple français. J’avais alors quatre ans ; les ambassadeurs, quand ils ne recevaient pas chez eux, se réunissaient quelquefois le soir, ainsi que les personnes de leur suite, dans la maison de mon père.
Joseph m’avait pris en affection. Il m’en donnait souvent des témoignages sensibles pour un enfant, par de petits cadeaux de dragées et de ces confitures, si exquises en Lorraine. Je l’aimais beaucoup à cause de ses caresses et surtout à cause de ses bonbons. J’en étais si reconnaissant, que plusieurs années après, ma bonne mère me parlant des chagrins et des joies que lui avait causés mon enfance, et me rappelant quelques détails de nos soirées de Lunéville, fut très étonnée du frais souvenir que je gardais encore des bontés de Joseph Bonaparte.
Ce fut au congrès de Lunéville que mon père vit pour la première fois celui qu’il devait suivre plus tard à Naples et à Madrid ; ce fut à Lunéville que commença entre Joseph Napoléon et lui cette liaison, que l’ancien roi d’Espagne, dans ses lettres, appelle encore aujourd’hui de l’amitié, amitié bien réelle et bien éprouvée, puisqu’elle a résisté à ces deux grandes choses qui, d’ordinaire, n’ont pas d’amis, le trône et l’exil.
Peu de temps après l’élévation de Joseph au trône de Naples, mon père passa à son service. Il y devint colonel de cette belle légion corse qui se distingua d’une manière si remarquable tant au siège de Gaëte que dans la poursuite et la destruction de la bande de Fra-Diavolo. Il était en outre un des maréchaux du palais. J’ai souvenir d’avoir été conduit par lui à Naples, pour remercier le roi d’une place qu’il m’avait accordée parmi ses pages. Je n’ai jamais oublié le sourire bienveillant et le regard affectueux avec lesquels Joseph accueillit l’enfant qu’il avait connu à Lunéville.
Cependant j’étais encore trop jeune pour pouvoir profiter de la faveur qui m’était faite, on me ramena en France. Quelque temps après, mon père quitta l’Italie, et suivit Joseph en Espagne.
Après plusieurs années de séjour à Paris, en mars 1811, nous partîmes, ma mère, mes frères et moi, pour aller rejoindre mon père en Espagne. Il n’était pas à Madrid. Investi du gouvernement de la province de Guadalaxara, il était chargé, avec sa brigade, de couvrir la capitale contre les attaques de la division de don Juan Martin, vulgairement nommé l'Empecinado, partisan célèbre et digne de sa célébrité.
Le roi n’était pas non plus à Madrid, quand nous y arrivâmes. Il venait de partir pour la France, où il devait rester peu de temps. Pendant notre voyage, nous l’avions rencontré. C’était aux portes de Valladolid. Le convoi dont nous faisions partie avait dû se ranger sur le bord de la route, pour laisser passer son escorte et ses équipages. Joseph voyageait rapidement. Il avait avec lui une partie des chevau-légers de sa garde. Sa voiture rasa la nôtre. J’étais à la portière, tout yeux et tout oreilles. Le roi à son passage me parut triste et préoccupé. Il parlait avec chaleur à une des personnes assises en face de lui. J’ai su depuis la cause de cet air sombre qui me surprit alors. Il me semblait qu’un roi devait toujours être gai. Joseph allait à Paris sous le prétexte apparent d’assister au baptême du roi de Rome, mais dans le but réel d’abdiquer la couronne d’Espagne, et de remettre aux mains de l’empereur le sceptre dont il ne pouvait plus se servir pour protéger efficacement ses sujets
Nous restâmes à Madrid pour y attendre l’arrivée de mon père et le retour du roi. Nous fûmes logés dans l’hôtel du prince de Masserano, ancien ambassadeur de la cour d’Espagne à Paris, et grand-maître des cérémonies de Joseph Napoléon. Cet hôtel, qui était désert quand nous y entrâmes, occupe une place dans mes souvenirs. C’était un grand bâtiment situé à l’angle de la Calle de la Reyna, près de la magnifique rue d’Alcala, sans apparence extérieure, mais dont l’intérieur était magnifiquement décoré.