Thaïs

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Thaïs by Anatole France, Largau
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Author: Anatole France ISBN: 1230000258229
Publisher: Largau Publication: August 6, 2014
Imprint: Language: French
Author: Anatole France
ISBN: 1230000258229
Publisher: Largau
Publication: August 6, 2014
Imprint:
Language: French

Extrait du livre :

En ce temps-là, le désert était peuplé d’anachorètes. Sur les deux rives du Nil, d’innombrables cabanes, bâties de branchages et d’argile par la main des solitaires, étaient semées à quelque distance les unes des autres, de façon que ceux qui les habitaient pouvaient vivre isolés et pourtant s’entr’aider au besoin. Des églises, surmontées du signe de la croix, s’élevaient de loin en loin au-dessus des cabanes et les moines s’y rendaient dans les jours de fête, pour assister à la célébration des mystères et participer aux sacrements. Il y avait aussi, tout au bord du fleuve, des maisons où les cénobites, renfermés chacun dans une étroite cellule, ne se réunissaient qu’afin de mieux goûter la solitude.

Anachorètes et cénobites vivaient dans l’abstinence, ne prenant de nourriture qu’après le coucher du soleil, mangeant pour tout repas leur pain avec un peu de sel et d’hysope. Quelques-uns, s’enfonçant dans les sables, faisaient leur asile d’une caverne ou d’un tombeau et menaient une vie encore plus singulière.

Tous gardaient la continence, portaient le cilice et la cuculle, dormaient sur la terre nue après de longues veilles, priaient, chantaient des psaumes, et pour tout dire, accomplissaient chaque jour les chefs-d’œuvre de la pénitence. En considération du péché originel, ils refusaient à leur corps, non seulement les plaisirs et les contentements, mais les soins mêmes qui passent pour indispensables selon les idées du siècle. Ils estimaient que les maladies de nos membres assainissent nos âmes et que la chair ne saurait recevoir de plus glorieuses parures que les ulcères et les plaies. Ainsi s’accomplissait la parole des prophètes qui avaient dit : « Le désert se couvrira de fleurs. »

Parmi les hôtes de cette sainte Thébaïde, les uns consumaient leurs jours dans l’ascétisme et la contemplation, les autres gagnaient leur subsistance en tressant les fibres des palmes, ou se louaient aux cultivateurs voisins pour le temps de la moisson. Les gentils en soupçonnaient faussement quelques-uns de vivre de brigandage et de se joindre aux Arabes nomades qui pillaient les caravanes. Mais à la vérité ces moines méprisaient les richesses et l’odeur de leurs vertus montait jusqu’au ciel.

Des anges semblables à de jeunes hommes venaient, un bâton à la main, commodes voyageurs, visiter les ermitages, tandis que des démons, ayant pris des figures d’Éthiopiens ou d’animaux, erraient autour des solitaires, afin de les induire en tentation. Quand les moines allaient, le matin, remplir leur cruche à la fontaine, ils voyaient des pas de Satyres et de Centaures imprimés dans le sable. Considérée sous son aspect véritable et spirituel, la Thébaïde était un champ de bataille où se livraient à toute heure, et spécialement la nuit, les merveilleux combats du ciel et de l’enfer.

Les ascètes, furieusement assaillis par des légions de damnés, se défendaient avec l’aide de Dieu et des anges, au moyen du jeûne, de la pénitence et des macérations. Parfois, l’aiguillon des désirs charnels les déchirait si cruellement qu’ils en hurlaient de douleur et que leurs lamentations répondaient, sous le ciel plein d’étoiles, aux miaulements des hyènes affamées. C’est alors que les démons se présentaient à eux sous des formes ravissantes. 

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Extrait du livre :

En ce temps-là, le désert était peuplé d’anachorètes. Sur les deux rives du Nil, d’innombrables cabanes, bâties de branchages et d’argile par la main des solitaires, étaient semées à quelque distance les unes des autres, de façon que ceux qui les habitaient pouvaient vivre isolés et pourtant s’entr’aider au besoin. Des églises, surmontées du signe de la croix, s’élevaient de loin en loin au-dessus des cabanes et les moines s’y rendaient dans les jours de fête, pour assister à la célébration des mystères et participer aux sacrements. Il y avait aussi, tout au bord du fleuve, des maisons où les cénobites, renfermés chacun dans une étroite cellule, ne se réunissaient qu’afin de mieux goûter la solitude.

Anachorètes et cénobites vivaient dans l’abstinence, ne prenant de nourriture qu’après le coucher du soleil, mangeant pour tout repas leur pain avec un peu de sel et d’hysope. Quelques-uns, s’enfonçant dans les sables, faisaient leur asile d’une caverne ou d’un tombeau et menaient une vie encore plus singulière.

Tous gardaient la continence, portaient le cilice et la cuculle, dormaient sur la terre nue après de longues veilles, priaient, chantaient des psaumes, et pour tout dire, accomplissaient chaque jour les chefs-d’œuvre de la pénitence. En considération du péché originel, ils refusaient à leur corps, non seulement les plaisirs et les contentements, mais les soins mêmes qui passent pour indispensables selon les idées du siècle. Ils estimaient que les maladies de nos membres assainissent nos âmes et que la chair ne saurait recevoir de plus glorieuses parures que les ulcères et les plaies. Ainsi s’accomplissait la parole des prophètes qui avaient dit : « Le désert se couvrira de fleurs. »

Parmi les hôtes de cette sainte Thébaïde, les uns consumaient leurs jours dans l’ascétisme et la contemplation, les autres gagnaient leur subsistance en tressant les fibres des palmes, ou se louaient aux cultivateurs voisins pour le temps de la moisson. Les gentils en soupçonnaient faussement quelques-uns de vivre de brigandage et de se joindre aux Arabes nomades qui pillaient les caravanes. Mais à la vérité ces moines méprisaient les richesses et l’odeur de leurs vertus montait jusqu’au ciel.

Des anges semblables à de jeunes hommes venaient, un bâton à la main, commodes voyageurs, visiter les ermitages, tandis que des démons, ayant pris des figures d’Éthiopiens ou d’animaux, erraient autour des solitaires, afin de les induire en tentation. Quand les moines allaient, le matin, remplir leur cruche à la fontaine, ils voyaient des pas de Satyres et de Centaures imprimés dans le sable. Considérée sous son aspect véritable et spirituel, la Thébaïde était un champ de bataille où se livraient à toute heure, et spécialement la nuit, les merveilleux combats du ciel et de l’enfer.

Les ascètes, furieusement assaillis par des légions de damnés, se défendaient avec l’aide de Dieu et des anges, au moyen du jeûne, de la pénitence et des macérations. Parfois, l’aiguillon des désirs charnels les déchirait si cruellement qu’ils en hurlaient de douleur et que leurs lamentations répondaient, sous le ciel plein d’étoiles, aux miaulements des hyènes affamées. C’est alors que les démons se présentaient à eux sous des formes ravissantes. 

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