Author: | Alexandre Dumas, Edward John Trelawny | ISBN: | 1230000674454 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher | Publication: | September 21, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alexandre Dumas, Edward John Trelawny |
ISBN: | 1230000674454 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher |
Publication: | September 21, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ma naissance est mon premier malheur. Je suis venu au monde dénoncé
comme un vagabond, quoique je fusse le cadet d'une famille fière de son
antiquité. Dans une telle maison, mon inopportune arrivée fut à peu près
accueillie comme celle des jeunes loups, sur la tête desquels le bon roi
Edgard avait mis un prix, à l'époque de l'invasion de ces animaux, qui
infestèrent de leur désolante présence les années de son règne.
Mon grand-père était général. À sa mort, il ne laissa à l'auteur de mes
jours, son fils unique, qu'un nom sans tache et des protections dans la
carrière qu'il avait parcourue. La nature avait été plus généreuse à
l'égard de mon père, en lui prodiguant toutes les qualités extérieures
qui mènent à la fortune plus promptement encore que le travail, le
courage et la vertu. Il était jeune, beau, spirituel, et avait des
manières gracieuses, simples et distinguées. La jeunesse de mon père ne
se signala par aucun fait remarquable; il menait la vie aventureuse et
galante des jeunes gens de l'époque. Le vin, les femmes, la cour et le
camp formaient le théâtre de ses exploits, mais il jouait parfaitement
son rôle.
À l'âge de vingt-quatre ans, il devint amoureux d'une douce et charmante
jeune fille. Ses pensées prirent alors une nouvelle direction, et en
apportant un peu de régularité dans le désordre de sa vie, elles
calmèrent l'effervescence de son goût effréné pour les plaisirs.
Mon père découvrit bientôt que la jeune fille partageait son amour (car
il était savant dans l'étude des sentiments du coeur), que le seul
obstacle qui s'opposait à leur union était la fortune. Leurs familles,
non leurs espérances d'avenir, se trouvaient égales: car la jeune fille
était pauvre, et l'ambition de mon père aurait pu, en dirigeant sa
conduite, le faire arriver à une brillante fortune. Mais la jeunesse et
l'amour ne calculent pas, et l'argent, les contrats, les douaires, sont
des mots dont ils n'apprécient nullement la valeur; puis, lorsque ce
sentiment se révèle pour la première fois, il est trop sincère, trop
vif, trop passionné pour être retenu par l'intérêt personnel. Intérêt
sordide, qui, à une certaine époque de la vie, se trouve si bien mélangé
à tous les sentiments, qui les fait naître et mourir à l'aide d'un
chiffre. Des passions nobles et généreuses, animées par le premier
amour, impriment souvent sur le caractère incertain et irrésolu de la
jeunesse une stabilité que le temps ne peut pas tout à fait détruire.
Plût au ciel que mon père eût uni sa destinée à celle de cette charmante
femme, car son mérite et sa constance ont résisté aux épreuves du temps
et de ses vicissitudes!
Pendant que mon père essayait de vaincre les difficultés matérielles qui
s'opposaient à son mariage, il lui fut soudainement ordonné de partir
pour l'Ouest avec son régiment.
Pensant que leur séparation ne serait que momentanée, les deux jeunes
gens se dirent adieu, comme tous ceux qui se trouvent dans la même
situation, avec des larmes et des serments de fidélité éternelle; et
quoique mon père fût un soldat joyeux et galant, il s'éloigna avec
l'accablement du regret, et fit honneur à ses promesses pendant trois
mois entiers.
Pour célébrer sa nouvelle dignité, le shérif du comté où mon père était
en garnison donna un bal à ses administrés.
Ma naissance est mon premier malheur. Je suis venu au monde dénoncé
comme un vagabond, quoique je fusse le cadet d'une famille fière de son
antiquité. Dans une telle maison, mon inopportune arrivée fut à peu près
accueillie comme celle des jeunes loups, sur la tête desquels le bon roi
Edgard avait mis un prix, à l'époque de l'invasion de ces animaux, qui
infestèrent de leur désolante présence les années de son règne.
Mon grand-père était général. À sa mort, il ne laissa à l'auteur de mes
jours, son fils unique, qu'un nom sans tache et des protections dans la
carrière qu'il avait parcourue. La nature avait été plus généreuse à
l'égard de mon père, en lui prodiguant toutes les qualités extérieures
qui mènent à la fortune plus promptement encore que le travail, le
courage et la vertu. Il était jeune, beau, spirituel, et avait des
manières gracieuses, simples et distinguées. La jeunesse de mon père ne
se signala par aucun fait remarquable; il menait la vie aventureuse et
galante des jeunes gens de l'époque. Le vin, les femmes, la cour et le
camp formaient le théâtre de ses exploits, mais il jouait parfaitement
son rôle.
À l'âge de vingt-quatre ans, il devint amoureux d'une douce et charmante
jeune fille. Ses pensées prirent alors une nouvelle direction, et en
apportant un peu de régularité dans le désordre de sa vie, elles
calmèrent l'effervescence de son goût effréné pour les plaisirs.
Mon père découvrit bientôt que la jeune fille partageait son amour (car
il était savant dans l'étude des sentiments du coeur), que le seul
obstacle qui s'opposait à leur union était la fortune. Leurs familles,
non leurs espérances d'avenir, se trouvaient égales: car la jeune fille
était pauvre, et l'ambition de mon père aurait pu, en dirigeant sa
conduite, le faire arriver à une brillante fortune. Mais la jeunesse et
l'amour ne calculent pas, et l'argent, les contrats, les douaires, sont
des mots dont ils n'apprécient nullement la valeur; puis, lorsque ce
sentiment se révèle pour la première fois, il est trop sincère, trop
vif, trop passionné pour être retenu par l'intérêt personnel. Intérêt
sordide, qui, à une certaine époque de la vie, se trouve si bien mélangé
à tous les sentiments, qui les fait naître et mourir à l'aide d'un
chiffre. Des passions nobles et généreuses, animées par le premier
amour, impriment souvent sur le caractère incertain et irrésolu de la
jeunesse une stabilité que le temps ne peut pas tout à fait détruire.
Plût au ciel que mon père eût uni sa destinée à celle de cette charmante
femme, car son mérite et sa constance ont résisté aux épreuves du temps
et de ses vicissitudes!
Pendant que mon père essayait de vaincre les difficultés matérielles qui
s'opposaient à son mariage, il lui fut soudainement ordonné de partir
pour l'Ouest avec son régiment.
Pensant que leur séparation ne serait que momentanée, les deux jeunes
gens se dirent adieu, comme tous ceux qui se trouvent dans la même
situation, avec des larmes et des serments de fidélité éternelle; et
quoique mon père fût un soldat joyeux et galant, il s'éloigna avec
l'accablement du regret, et fit honneur à ses promesses pendant trois
mois entiers.
Pour célébrer sa nouvelle dignité, le shérif du comté où mon père était
en garnison donna un bal à ses administrés.