Author: | Stefan Zweig | ISBN: | 1230001535907 |
Publisher: | JBR | Publication: | February 6, 2017 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Stefan Zweig |
ISBN: | 1230001535907 |
Publisher: | JBR |
Publication: | February 6, 2017 |
Imprint: | |
Language: | French |
Brûlant secret est un roman de Stefan Zweig
Descriptif : Comment le désir et la passion, enracinés au fond de chaque être, peuvent le révéler à lui-même et bouleverser son destin : tel est le secret que tentent de percer les quatre récits qui composent ce volume. L'éveil de la jalousie chez un garçon de douze ans, qui a innocemment rapproché sa mère et le jeune vacancier oisif dont l'amitié l'emplissait de fierté ; la dérive nocturne d'un homme qui découvre au contact des voyous et des prostituées une part inconnue de lui-même ; le mystère d'une jeune femme qui se donne sans vouloir révéler son identité; la rivalité de deux sœurs, l'une religieuse et l'autre courtisane : dans des situations très diverses, l'auteur de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme explore avec audace des sentiments troubles et fascinants, témoignant d'une absolue maîtrise de son art de romancier.
Extrait : « Qu’est-ce qui les a tellement changés ? » pensait l’enfant assis en face d’eux dans la voiture en marche. « Pourquoi ne sont-ils plus à mon égard ce qu’ils étaient avant ? Pourquoi Maman évite-t-elle toujours mon regard, lorsque je le dirige vers elle ? Pourquoi cherche-t-il toujours devant moi à dire des plaisanteries et à faire le polichinelle ? Tous deux ne me parlent plus comme ils le faisaient hier et avant-hier ; je pourrais presque dire que leurs visages ne sont plus les mêmes. Maman a au-jourd’hui les lèvres toutes rouges ; elle doit se les être rougies, jamais je ne l’avais vue ainsi. Et lui a toujours le front plissé, comme si je l’avais offensé. Je ne leur ai rien fait pourtant ? Je n’ai dit aucune parole qui pût les choquer ? Non, ce n’est pas moi qui peut être la cause de leur changement, car ils sont eux-mêmes, l’un à l’égard de l’autre, tout différents de ce qu’ils étaient. On dirait qu’ils ont projeté une chose qu’ils n’osent pas se confier. Ils ne parlent plus comme hier ; ils ne rient pas non plus ; ils sont gênés, ils cachent quelque chose. Il y a entre eux un secret qu’ils ne veulent pas me révéler. Un secret qu’il faut à tout prix que je connaisse. Je m’en rends déjà compte, ce doit être ce secret devant lequel ils me ferment toujours les portes, ce secret dont il est question dans les livres et dans les opéras, lorsque les hommes et les femmes chantent l’un en face de l’autre en écartant les bras, lorsqu’ils s’embrassent et se repoussent : Ce doit être quelque chose comme ce qui est arrivé avec ma maîtresse de français qui se comporta si mal avec Papa et qui ensuite fut renvoyée. Tout cela s’enchaîne, je le sens, mais je ne sais pas comment. Oh ! le savoir, le savoir enfin, ce secret, la saisir cette clé qui ouvre toutes les portes ! N’être plus un enfant devant lequel on cache et dissimule tout ! Ne plus se laisser duper et tromper ! Maintenant ou jamais ! Je veux le leur arracher, ce terrible secret. » Un pli se creusa à son front ; ce chétif gamin de douze ans avait presque un air vieillot, en méditant ainsi gra-vement, sans avoir un seul regard pour le paysage qui se dé-ployait tout autour de lui en couleurs harmonieuses : les mon-tagnes dans le vert épuré de leurs forêts de conifères et les vallées dans l’éclat encore délicat de la fin du printemps tardif. Il ne prêtait attention qu’aux deux visages qui lui faisaient face sur la banquette de la voiture, comme si, avec ses regards ardents, il eût pu, comme un pêcheur, harponner le secret caché dans les profondeurs luisantes de leurs yeux. Rien n’aiguise mieux l’intelligence qu’un soupçon passionné ; rien ne déploie mieux toutes les possibilités de l’intellect non encore mûr qu’une piste qui se perd dans l’obscurité. Parfois ce n’est qu’une seule et mince cloison qui sépare les enfants de ce que nous appelons le monde réel, et un souffle de vent fortuit la leur ouvre brusque-ment.
Brûlant secret est un roman de Stefan Zweig
Descriptif : Comment le désir et la passion, enracinés au fond de chaque être, peuvent le révéler à lui-même et bouleverser son destin : tel est le secret que tentent de percer les quatre récits qui composent ce volume. L'éveil de la jalousie chez un garçon de douze ans, qui a innocemment rapproché sa mère et le jeune vacancier oisif dont l'amitié l'emplissait de fierté ; la dérive nocturne d'un homme qui découvre au contact des voyous et des prostituées une part inconnue de lui-même ; le mystère d'une jeune femme qui se donne sans vouloir révéler son identité; la rivalité de deux sœurs, l'une religieuse et l'autre courtisane : dans des situations très diverses, l'auteur de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme explore avec audace des sentiments troubles et fascinants, témoignant d'une absolue maîtrise de son art de romancier.
Extrait : « Qu’est-ce qui les a tellement changés ? » pensait l’enfant assis en face d’eux dans la voiture en marche. « Pourquoi ne sont-ils plus à mon égard ce qu’ils étaient avant ? Pourquoi Maman évite-t-elle toujours mon regard, lorsque je le dirige vers elle ? Pourquoi cherche-t-il toujours devant moi à dire des plaisanteries et à faire le polichinelle ? Tous deux ne me parlent plus comme ils le faisaient hier et avant-hier ; je pourrais presque dire que leurs visages ne sont plus les mêmes. Maman a au-jourd’hui les lèvres toutes rouges ; elle doit se les être rougies, jamais je ne l’avais vue ainsi. Et lui a toujours le front plissé, comme si je l’avais offensé. Je ne leur ai rien fait pourtant ? Je n’ai dit aucune parole qui pût les choquer ? Non, ce n’est pas moi qui peut être la cause de leur changement, car ils sont eux-mêmes, l’un à l’égard de l’autre, tout différents de ce qu’ils étaient. On dirait qu’ils ont projeté une chose qu’ils n’osent pas se confier. Ils ne parlent plus comme hier ; ils ne rient pas non plus ; ils sont gênés, ils cachent quelque chose. Il y a entre eux un secret qu’ils ne veulent pas me révéler. Un secret qu’il faut à tout prix que je connaisse. Je m’en rends déjà compte, ce doit être ce secret devant lequel ils me ferment toujours les portes, ce secret dont il est question dans les livres et dans les opéras, lorsque les hommes et les femmes chantent l’un en face de l’autre en écartant les bras, lorsqu’ils s’embrassent et se repoussent : Ce doit être quelque chose comme ce qui est arrivé avec ma maîtresse de français qui se comporta si mal avec Papa et qui ensuite fut renvoyée. Tout cela s’enchaîne, je le sens, mais je ne sais pas comment. Oh ! le savoir, le savoir enfin, ce secret, la saisir cette clé qui ouvre toutes les portes ! N’être plus un enfant devant lequel on cache et dissimule tout ! Ne plus se laisser duper et tromper ! Maintenant ou jamais ! Je veux le leur arracher, ce terrible secret. » Un pli se creusa à son front ; ce chétif gamin de douze ans avait presque un air vieillot, en méditant ainsi gra-vement, sans avoir un seul regard pour le paysage qui se dé-ployait tout autour de lui en couleurs harmonieuses : les mon-tagnes dans le vert épuré de leurs forêts de conifères et les vallées dans l’éclat encore délicat de la fin du printemps tardif. Il ne prêtait attention qu’aux deux visages qui lui faisaient face sur la banquette de la voiture, comme si, avec ses regards ardents, il eût pu, comme un pêcheur, harponner le secret caché dans les profondeurs luisantes de leurs yeux. Rien n’aiguise mieux l’intelligence qu’un soupçon passionné ; rien ne déploie mieux toutes les possibilités de l’intellect non encore mûr qu’une piste qui se perd dans l’obscurité. Parfois ce n’est qu’une seule et mince cloison qui sépare les enfants de ce que nous appelons le monde réel, et un souffle de vent fortuit la leur ouvre brusque-ment.