Author: | Maurice Leblanc | ISBN: | 1230000253675 |
Publisher: | Largau | Publication: | July 20, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Maurice Leblanc |
ISBN: | 1230000253675 |
Publisher: | Largau |
Publication: | July 20, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait du livre :
Sous un ciel lourd d’étoiles, où s’accrochait un dernier quartier de lune, la roulotte dormait sur l’herbe du chemin, ses volets clos, ses brancards allongés comme des bras. Dans l’ombre du fossé voisin, un cheval ronflait et soupirait.
Très loin, par-dessus la crête noire des collines, une bande plus claire annonça l’approche de l’aube. Une horloge d’église sonna quatre heures. Quelques oiseaux s’éveillèrent de place en place, et se mirent à chanter. Il faisait doux et tiède.
Brusquement, à l’intérieur, une voix de femme cria :
« Saint-Quentin ! Saint-Quentin ! »
Et une tête passa par la lucarne qui donnait sur le siège, par-dessous l’avancée du toit.
« C’est bien ça, je m’en doutais ! Le gredin a déguerpi cette nuit. L’animal ! Quelle correction ! »
D’autres voix lui répondirent. Il s’écoula deux ou trois minutes. Puis la porte d’arrière fut ouverte et une silhouette descendit les cinq marches de l’escalier, pendant que, à la fenêtre latérale, deux têtes ébouriffées apparaissaient.
« Dorothée ! où vas-tu ?
– Chercher Saint-Quentin ! répliqua celle qu’on appelait Dorothée.
– Mais il est rentré de promenade avec toi hier soir, et je l’ai vu se coucher sur son siège.
– Tu vois bien qu’il n’y est plus, Castor.
– Où est-il ?
– Patience ! Je vais vous le ramener par les oreilles. »
Mais les deux gamins bondirent de la roulotte, en chemise, et supplièrent :
« Non, maman Dorothée… t’en va pas toute seule dans la nuit, c’est dangereux…
– Qu’est-ce que tu chantes, Pollux ? Dangereux ! Est-ce que ça te regarde ? »
Elle leur envoya des gifles et des coups de pied, et les reconduisit prestement jusqu’à la voiture où ils s’engouffrèrent. Là, montée sur l’escabeau, elle prit leurs deux têtes qu’elle pressa contre la sienne et les baisa tendrement.
« Pas de bile, mes deux gosses. Du danger ? D’ici une demi-heure, je retrouve Saint-Quentin.
– La belle affaire !… Saint-Quentin… un type qu’a pas seize ans…
– Tandis que Pollux et Castor en ont vingt, à eux deux ! fit Dorothée.
– Et puis, pourquoi qu’il traîne comme ça, la nuit ? Et c’est pas la première fois… Où est-ce qu’il va en expédition ?
– Chiper des lapins au collet, dit-elle. Vous voyez, ce n’est pas bien grave… Allons, assez bavardé. Au dodo, les garçons. Et surtout ne vous battez pas, Castor et Pollux, hein ? Pas de bruit ! le capitaine dort, et il n’aime pas qu’on le réveille, le capitaine ! »
Elle s’éloigna, sauta par-dessus le fossé, franchit une prairie, où ses pieds clapotaient dans des flaques d’eau, et gagna un sentier qui filait entre de jeunes taillis qu’elle dépassait de la tête. Deux fois déjà la veille, en se promenant avec son ami Saint-Quentin, elle avait suivi cette piste mal tracée, de sorte qu’elle avançait hardiment, sans la moindre hésitation. Elle traversa deux routes, arriva près d’une rivière dont le lit de petits cailloux blancs luisait dans l’eau paisible, s’y engagea, en remonta le courant comme si elle eût voulu que ses traces fussent perdues et, lorsque les premières lueurs du jour commençaient à donner aux choses des formes distinctes, s’élança de nouveau à travers bois, légère, gracieuse, plutôt petite, ses jambes nues jaillissant d’une jupe très courte qui laissait flotter derrière elle des rubans multicolores.
Extrait du livre :
Sous un ciel lourd d’étoiles, où s’accrochait un dernier quartier de lune, la roulotte dormait sur l’herbe du chemin, ses volets clos, ses brancards allongés comme des bras. Dans l’ombre du fossé voisin, un cheval ronflait et soupirait.
Très loin, par-dessus la crête noire des collines, une bande plus claire annonça l’approche de l’aube. Une horloge d’église sonna quatre heures. Quelques oiseaux s’éveillèrent de place en place, et se mirent à chanter. Il faisait doux et tiède.
Brusquement, à l’intérieur, une voix de femme cria :
« Saint-Quentin ! Saint-Quentin ! »
Et une tête passa par la lucarne qui donnait sur le siège, par-dessous l’avancée du toit.
« C’est bien ça, je m’en doutais ! Le gredin a déguerpi cette nuit. L’animal ! Quelle correction ! »
D’autres voix lui répondirent. Il s’écoula deux ou trois minutes. Puis la porte d’arrière fut ouverte et une silhouette descendit les cinq marches de l’escalier, pendant que, à la fenêtre latérale, deux têtes ébouriffées apparaissaient.
« Dorothée ! où vas-tu ?
– Chercher Saint-Quentin ! répliqua celle qu’on appelait Dorothée.
– Mais il est rentré de promenade avec toi hier soir, et je l’ai vu se coucher sur son siège.
– Tu vois bien qu’il n’y est plus, Castor.
– Où est-il ?
– Patience ! Je vais vous le ramener par les oreilles. »
Mais les deux gamins bondirent de la roulotte, en chemise, et supplièrent :
« Non, maman Dorothée… t’en va pas toute seule dans la nuit, c’est dangereux…
– Qu’est-ce que tu chantes, Pollux ? Dangereux ! Est-ce que ça te regarde ? »
Elle leur envoya des gifles et des coups de pied, et les reconduisit prestement jusqu’à la voiture où ils s’engouffrèrent. Là, montée sur l’escabeau, elle prit leurs deux têtes qu’elle pressa contre la sienne et les baisa tendrement.
« Pas de bile, mes deux gosses. Du danger ? D’ici une demi-heure, je retrouve Saint-Quentin.
– La belle affaire !… Saint-Quentin… un type qu’a pas seize ans…
– Tandis que Pollux et Castor en ont vingt, à eux deux ! fit Dorothée.
– Et puis, pourquoi qu’il traîne comme ça, la nuit ? Et c’est pas la première fois… Où est-ce qu’il va en expédition ?
– Chiper des lapins au collet, dit-elle. Vous voyez, ce n’est pas bien grave… Allons, assez bavardé. Au dodo, les garçons. Et surtout ne vous battez pas, Castor et Pollux, hein ? Pas de bruit ! le capitaine dort, et il n’aime pas qu’on le réveille, le capitaine ! »
Elle s’éloigna, sauta par-dessus le fossé, franchit une prairie, où ses pieds clapotaient dans des flaques d’eau, et gagna un sentier qui filait entre de jeunes taillis qu’elle dépassait de la tête. Deux fois déjà la veille, en se promenant avec son ami Saint-Quentin, elle avait suivi cette piste mal tracée, de sorte qu’elle avançait hardiment, sans la moindre hésitation. Elle traversa deux routes, arriva près d’une rivière dont le lit de petits cailloux blancs luisait dans l’eau paisible, s’y engagea, en remonta le courant comme si elle eût voulu que ses traces fussent perdues et, lorsque les premières lueurs du jour commençaient à donner aux choses des formes distinctes, s’élança de nouveau à travers bois, légère, gracieuse, plutôt petite, ses jambes nues jaillissant d’une jupe très courte qui laissait flotter derrière elle des rubans multicolores.