Germaine

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Germaine by About Edmond, YADE
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Author: About Edmond ISBN: 1230001609493
Publisher: YADE Publication: March 26, 2017
Imprint: Language: French
Author: About Edmond
ISBN: 1230001609493
Publisher: YADE
Publication: March 26, 2017
Imprint:
Language: French

LES ÉTRENNES DE LA DUCHESSE

 

Vers le milieu de la rue de l’Université, entre le numéro 51 et le 57, on voit quatre hôtels qui peuvent compter parmi les plus beaux de Paris. Le premier appartient à M. Pozzo di Borgo ; le second, au comte de Mailly ; le troisième, au duc de Choiseul ; le dernier au baron de Sanglié. C’est celui qui fait l’angle de la rue Bellechasse.

L’hôtel de Sanglié est une habitation de noble apparence. La porte cochère s’ouvre sur une cour d’honneur soigneusement sablée et tapissée de treilles centenaires. La loge du suisse est à gauche, cachée sous un lierre épais où les moineaux et les portiers babillent à l’unisson. Au fond de la cour à droite, un large perron, abrité sous une marquise, conduit au vestibule et au grand escalier. Le rez-de-chaussée et le premier sont occupés par le baron tout seul ; il jouit sans partage d’un vaste jardin borné par d’autres jardins, peuplé de fauvettes, de merles et d’écureuils qui vont de l’un chez l’autre en pleine liberté, comme s’ils étaient habitants d’un bois, et non citoyens de Paris.

Les armes des Sanglié, peintes à la cire, se répètent sur tous les murs du vestibule. C’est un sanglier d’or sur champ de gueules. L’écusson est supporté par deux lévriers et surmonté d’un tortil de baron avec cette légende : sang lié au roy. Une demi-douzaine de lévriers vivants, groupés suivant leur fantaisie, s’agacent au pied de l’escalier, mordillent les véroniques en fleur dans les vases du Japon, ou s’aplatissent sur le tapis en allongeant leur tête serpentine. Les valets de pied, assis sur des banquettes de Beauvais, se croisent solennellement les bras, comme il convient à des gens de bonne maison.

Le 1er janvier 1853, vers les neuf heures du matin, tous les domestiques de l’hôtel tenaient sous le vestibule un congrès tumultueux. L’intendant du baron, M. Anatole, venait de leur distribuer leurs étrennes. Le maître d’hôtel avait reçu cinq cents francs, le valet de chambre deux cent cinquante. Le moins favorisé de tous, le marmiton, contemplait avec une tendresse inexprimable deux beaux louis d’or tout neufs. Il y avait des jaloux dans l’assemblée, mais pas un mécontent, et chacun disait en son langage que c’est plaisir de servir un maître riche et généreux.

Ces messieurs formaient un groupe assez pittoresque autour d’une des bouches du calorifère. Les plus matineux avaient déjà la grande livrée ; les autres portaient encore le gilet à manches, qui est la petite tenue des domestiques. Le valet de chambre était tout de noir habillé, avec des chaussons de lisière ; le jardinier ressemblait à un villageois endimanché ; le cocher était en veste de tricot et en chapeau galonné ; le suisse, en baudrier d’or et en sabots. On apercevait ça et là, le long des murs, un fouet, une étrille, un bâton à cirer, une tête de loup, et des plumeaux dont je ne sais pas le nombre.

Le maître dormait jusqu’à midi, en homme qui a passé la nuit au club : on avait bien le temps de se mettre à l’ouvrage. Chacun faisait d’avance emploi de son argent, et les châteaux en Espagne allaient bon train. Tous les hommes, petits et grands, sont de la famille de Perrette qui portait un pot au lait.

« Avec ça et ce que j’ai de côté, disait le maître d’hôtel, j’arrondirai ma rente viagère. On a du pain sur la planche, Dieu merci ! et l’on ne se laissera manquer de rien sur ses vieux jours.

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LES ÉTRENNES DE LA DUCHESSE

 

Vers le milieu de la rue de l’Université, entre le numéro 51 et le 57, on voit quatre hôtels qui peuvent compter parmi les plus beaux de Paris. Le premier appartient à M. Pozzo di Borgo ; le second, au comte de Mailly ; le troisième, au duc de Choiseul ; le dernier au baron de Sanglié. C’est celui qui fait l’angle de la rue Bellechasse.

L’hôtel de Sanglié est une habitation de noble apparence. La porte cochère s’ouvre sur une cour d’honneur soigneusement sablée et tapissée de treilles centenaires. La loge du suisse est à gauche, cachée sous un lierre épais où les moineaux et les portiers babillent à l’unisson. Au fond de la cour à droite, un large perron, abrité sous une marquise, conduit au vestibule et au grand escalier. Le rez-de-chaussée et le premier sont occupés par le baron tout seul ; il jouit sans partage d’un vaste jardin borné par d’autres jardins, peuplé de fauvettes, de merles et d’écureuils qui vont de l’un chez l’autre en pleine liberté, comme s’ils étaient habitants d’un bois, et non citoyens de Paris.

Les armes des Sanglié, peintes à la cire, se répètent sur tous les murs du vestibule. C’est un sanglier d’or sur champ de gueules. L’écusson est supporté par deux lévriers et surmonté d’un tortil de baron avec cette légende : sang lié au roy. Une demi-douzaine de lévriers vivants, groupés suivant leur fantaisie, s’agacent au pied de l’escalier, mordillent les véroniques en fleur dans les vases du Japon, ou s’aplatissent sur le tapis en allongeant leur tête serpentine. Les valets de pied, assis sur des banquettes de Beauvais, se croisent solennellement les bras, comme il convient à des gens de bonne maison.

Le 1er janvier 1853, vers les neuf heures du matin, tous les domestiques de l’hôtel tenaient sous le vestibule un congrès tumultueux. L’intendant du baron, M. Anatole, venait de leur distribuer leurs étrennes. Le maître d’hôtel avait reçu cinq cents francs, le valet de chambre deux cent cinquante. Le moins favorisé de tous, le marmiton, contemplait avec une tendresse inexprimable deux beaux louis d’or tout neufs. Il y avait des jaloux dans l’assemblée, mais pas un mécontent, et chacun disait en son langage que c’est plaisir de servir un maître riche et généreux.

Ces messieurs formaient un groupe assez pittoresque autour d’une des bouches du calorifère. Les plus matineux avaient déjà la grande livrée ; les autres portaient encore le gilet à manches, qui est la petite tenue des domestiques. Le valet de chambre était tout de noir habillé, avec des chaussons de lisière ; le jardinier ressemblait à un villageois endimanché ; le cocher était en veste de tricot et en chapeau galonné ; le suisse, en baudrier d’or et en sabots. On apercevait ça et là, le long des murs, un fouet, une étrille, un bâton à cirer, une tête de loup, et des plumeaux dont je ne sais pas le nombre.

Le maître dormait jusqu’à midi, en homme qui a passé la nuit au club : on avait bien le temps de se mettre à l’ouvrage. Chacun faisait d’avance emploi de son argent, et les châteaux en Espagne allaient bon train. Tous les hommes, petits et grands, sont de la famille de Perrette qui portait un pot au lait.

« Avec ça et ce que j’ai de côté, disait le maître d’hôtel, j’arrondirai ma rente viagère. On a du pain sur la planche, Dieu merci ! et l’on ne se laissera manquer de rien sur ses vieux jours.

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