Author: | Erckmann-Chatrian | ISBN: | 1230000685818 |
Publisher: | pb | Publication: | September 27, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Erckmann-Chatrian |
ISBN: | 1230000685818 |
Publisher: | pb |
Publication: | September 27, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Alors Fritz se me?ait à rire aux larmes ; ils montaient ensemble
prendre un verre de Kirschenwasser, que le vieux rabbin ne dédaignait
pas. Ils causaient en yudischdes affaires de la ville, du prix des blés, du
bétail et de tout. ?elquefois David avait besoin d’argent, et Kobus lui
avançait d’assez fortes sommes sans intérêt. Bref, il aimait le vieux rebbe,
il l’aimait beaucoup, et David Sichel, après sa femme Sourlé et ses deux
garçons Isidore et Nathan, n’avait pas de meilleur ami que Fritz ; mais il
abusait de son amitié pour vouloir le marier.
À peine étaient-ils assis depuis vingt minutes en face l’un de l’autre –
causant d’affaires, et se regardant avec ce plaisir que deux amis éprouvent
toujours à se voir, à s’entendre, à s’exprimer ouvertement sans arrièrepensée,
ce qu’on ne peut jamais faire avec des étrangers – à peine étaientils
ainsi, et dans un de ces moments où la conversation sur les affaires du
jour s’épuise, que la physionomie du vieux rebbe prenait un caractère
rêveur, puis s’animait tout à coup d’un reflet étrange, et qu’il s’écriait :
« Kobus, connais-tu la jeune veuve du conseiller Roemer ? Sais-tu que
c’est une jolie femme, oui, une jolie femme ! Elle a de beaux yeux, ce?e
jeune veuve, elle est aussi très aimable. Sais-tu qu’avant-hier, comme je
passais devant sa maison, dans la rue de l’Arsenal, voilà qu’elle se penche
à la fenêtre et me dit : “Hé ! c’est monsieur le rabbin Sichel ; que j’ai de plaisir
à vous voir, mon cher monsieur Sichel !” Alors, Kobus, moi tout surpris,
je m’arrête et je lui réponds en souriant : “Comment un vieux bonhomme
tel que David Sichel peut-il charmer d’aussi beaux yeux, madame Roemer
? Non, non, cela n’est pas possible, je vois que c’est par bonté d’âme
que vous dites ces choses !” Et vraiment, Kobus, elle est bonne et gracieuse,
et puis elle a de l’esprit ; elle est, selon les paroles du Cantique des
cantiques, comme la rose de Sârron et le muguet des vallées », disait le
vieux rabbin en s’animant de plus en plus.
Alors Fritz se me?ait à rire aux larmes ; ils montaient ensemble
prendre un verre de Kirschenwasser, que le vieux rabbin ne dédaignait
pas. Ils causaient en yudischdes affaires de la ville, du prix des blés, du
bétail et de tout. ?elquefois David avait besoin d’argent, et Kobus lui
avançait d’assez fortes sommes sans intérêt. Bref, il aimait le vieux rebbe,
il l’aimait beaucoup, et David Sichel, après sa femme Sourlé et ses deux
garçons Isidore et Nathan, n’avait pas de meilleur ami que Fritz ; mais il
abusait de son amitié pour vouloir le marier.
À peine étaient-ils assis depuis vingt minutes en face l’un de l’autre –
causant d’affaires, et se regardant avec ce plaisir que deux amis éprouvent
toujours à se voir, à s’entendre, à s’exprimer ouvertement sans arrièrepensée,
ce qu’on ne peut jamais faire avec des étrangers – à peine étaientils
ainsi, et dans un de ces moments où la conversation sur les affaires du
jour s’épuise, que la physionomie du vieux rebbe prenait un caractère
rêveur, puis s’animait tout à coup d’un reflet étrange, et qu’il s’écriait :
« Kobus, connais-tu la jeune veuve du conseiller Roemer ? Sais-tu que
c’est une jolie femme, oui, une jolie femme ! Elle a de beaux yeux, ce?e
jeune veuve, elle est aussi très aimable. Sais-tu qu’avant-hier, comme je
passais devant sa maison, dans la rue de l’Arsenal, voilà qu’elle se penche
à la fenêtre et me dit : “Hé ! c’est monsieur le rabbin Sichel ; que j’ai de plaisir
à vous voir, mon cher monsieur Sichel !” Alors, Kobus, moi tout surpris,
je m’arrête et je lui réponds en souriant : “Comment un vieux bonhomme
tel que David Sichel peut-il charmer d’aussi beaux yeux, madame Roemer
? Non, non, cela n’est pas possible, je vois que c’est par bonté d’âme
que vous dites ces choses !” Et vraiment, Kobus, elle est bonne et gracieuse,
et puis elle a de l’esprit ; elle est, selon les paroles du Cantique des
cantiques, comme la rose de Sârron et le muguet des vallées », disait le
vieux rabbin en s’animant de plus en plus.