Le Brelan de joie

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Le Brelan de joie by MARCEL ARNAC, GILBERT TEROL
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Author: MARCEL ARNAC ISBN: 1230000619653
Publisher: GILBERT TEROL Publication: August 20, 2015
Imprint: Language: French
Author: MARCEL ARNAC
ISBN: 1230000619653
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: August 20, 2015
Imprint:
Language: French

Vivolet est un pays que vous savez. Il n’est d’Angevins qui l’ignorent — ou peut-être de Bourguignons ? La mémoire m’en défaut… Mais, allant par notre beau pays de France, je le reconnaîtrais entre mille !

Vivolet est perché sur un coteau de vignes, qu’enlace un ruisseau où l’on pêche la dornille ; ses maisons, toutes mal coiffées, s’accrochent les unes aux autres, pour ne pas choir dedans.

En son milieu, il est planté d’une église — pour les femmes — et d’un cabaret — pour les hommes. C’est au cabaret que je m’y retrouverais…

À la berlurette, je vous dirais qu’il a Silène pour enseigne ; Silène couronné de pampre, le cul sur le cul d’un tonneau.

Sommes-nous donc à Vivolet ? Si vous en doutez, entrons…

Voici nos trois compères : Maître Adam, Vrille et Mâchepoule.

Oh ! oui, que c’est Vivolet ! Écoutez propos qu’ils tiennent :

— Buvons ! — Est-ce vin de copeaux ? — J’en jurerais, car il râpe ! — Qui a soif ? — Personne. Tout le monde prend soin de boire avant… — Je plains mes pieds : ce sont tristes buveurs d’eau… — D’une femme ou d’une bouteille, qui aimez-vous mieux caresser ? — Bouteille ! car femme vous vide, bouteille vous emplit ! — Peste soit du couïon qui verse à côté ! Voudrais-tu soûler la table ? — Trinquons ! — Ne trinquons pas : c’est du temps perdu ! — Tel vin, tel homme.

Mon père était pot,

Ma mère était broc,

Ma grand’mère était pinte !

Tu rotes ? — Non, c’est ce verre que j’ai bu qui réclame un compagnon ! — Qui veut de l’eau ? — Ha ! ha ! ha ! — Pourquoi rire ? On dit que chacun de nous en contient sa part… — Possible ! les cabaretiers sont si voleurs ! — Dis-moi ce que tu bois, je te dirai qui tu es ! — Dis-moi ce que tu pisses, je te dirai ce que tu bois ! — Est-ce mon verre qui est trop petit ou ma gueule qui est trop grande ? — À grande gueule, grand vin ! buvons ! — Buvons comme les Romains, c’est-à-dire autant de coups que les noms de nos femmes ont de lettres ! — Bouteille ! que la mienne ne s’appelle-t-elle Véronique ! — Et la mienne Marie-Magdeleine ! Par ma gorge, ce vin est de cerneaux ! — Il n’est ni bâtard, ni bouté, ni bourru ! — Ce n’est pas vin à teindre les nappes ! Non ! c’est vin de singe, propre à mettre en pointe et vous donner jambes de vin ! — C’est vin piquant : il passe d’outre en outre ! — Vin qui rappelle son buveur ! — Vin à chanter messe de vin :

bibit ille, bibit illa
bibit vinum sine aqua
et pro rege et pro papa !

— Or çà, compères, qu’est-ce que le vin a de mieux ? — Sa couleur ! — Sa saveur ! — Sa chaleur ! — Sa fraîcheur ! — Point. Ce que le vin a de mieux, c’est de nous assembler autour d’une bouteille pour de si différentes raisons ! — Les raisons n’emplissent point les verres ! — Verse ! je te paierai de hoquets et de zigzags ! C’est monnaie sonnante et trébuchante ! Je veux vivre, boire et mourir ! — Vivere, bibere, sufficit ! — Moi, je veux mourir le verre en main ! — Moi en bouche ! — Moi, je ne veux être que mort-ivre ! — Moi, je ne veux trépasser que de fillettes et de feuillettes ! — Ho ! les sots fioleurs ! pour n’avoir un pied dans la tombe, gardez les deux en la vigne ! — Bien dit ! — Porter, à toute heure, la santé, pour ne la perdre jamais ! — Et vivre en joie ! Dieu appelle, de prime, ceux qui languissent sur terre ! — Verse donc ! le vin languit ! Voudrais-tu le voir, sous ton nez, monter au ciel ? — Tu es ivre ! — Comment le serais-je ? Je ne bois qu’un verre à la fois ! — Et quand nous le serions comme des soupes ? J’y vois plus de bien que de mal ! — Bien boire et laisser dire ! — Que celui qui n’a jamais bu nous jette le premier verre ! — J’en prends souci comme de ma première ribote ! — Être soûl, c’est être sûr ! — Qui est ivre tombe plus facilement aux pieds des femmes ! — Si je jurais de ne plus boire, je le jurerais sur mon verre ! — Moi, je voudrais que tous les verres fussent ronds du cul, pour qu’on ne les puisse poser ! — Et moi, pour qu’on ne me querelle d’entrer au cabaret, je n’en veux plus sortir ! — Holà ! Martine… du vin frais ! — Nenni ! vous avez assez bu… — Assez bu ? Qu’oses-tu dire ? Nous avons quelquefois trop bu… Assez, jamais ! — Apporte ! apporte, ma mignonne ! Pour la peine, nous te ferons un enfant !

La servante apporte une bouteille. Elle est claire, ronde, et de belle couleur. La bouteille ! La servante aussi… Mâchepoule lui presse le flanc. À la bouteille ! Maître Adam y goûte… À la servante !

Ça claque deux fois : une fois sur la bouche de Martine, une fois sur le nez du meunier.

— Doux baiser, Martine !

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Vivolet est un pays que vous savez. Il n’est d’Angevins qui l’ignorent — ou peut-être de Bourguignons ? La mémoire m’en défaut… Mais, allant par notre beau pays de France, je le reconnaîtrais entre mille !

Vivolet est perché sur un coteau de vignes, qu’enlace un ruisseau où l’on pêche la dornille ; ses maisons, toutes mal coiffées, s’accrochent les unes aux autres, pour ne pas choir dedans.

En son milieu, il est planté d’une église — pour les femmes — et d’un cabaret — pour les hommes. C’est au cabaret que je m’y retrouverais…

À la berlurette, je vous dirais qu’il a Silène pour enseigne ; Silène couronné de pampre, le cul sur le cul d’un tonneau.

Sommes-nous donc à Vivolet ? Si vous en doutez, entrons…

Voici nos trois compères : Maître Adam, Vrille et Mâchepoule.

Oh ! oui, que c’est Vivolet ! Écoutez propos qu’ils tiennent :

— Buvons ! — Est-ce vin de copeaux ? — J’en jurerais, car il râpe ! — Qui a soif ? — Personne. Tout le monde prend soin de boire avant… — Je plains mes pieds : ce sont tristes buveurs d’eau… — D’une femme ou d’une bouteille, qui aimez-vous mieux caresser ? — Bouteille ! car femme vous vide, bouteille vous emplit ! — Peste soit du couïon qui verse à côté ! Voudrais-tu soûler la table ? — Trinquons ! — Ne trinquons pas : c’est du temps perdu ! — Tel vin, tel homme.

Mon père était pot,

Ma mère était broc,

Ma grand’mère était pinte !

Tu rotes ? — Non, c’est ce verre que j’ai bu qui réclame un compagnon ! — Qui veut de l’eau ? — Ha ! ha ! ha ! — Pourquoi rire ? On dit que chacun de nous en contient sa part… — Possible ! les cabaretiers sont si voleurs ! — Dis-moi ce que tu bois, je te dirai qui tu es ! — Dis-moi ce que tu pisses, je te dirai ce que tu bois ! — Est-ce mon verre qui est trop petit ou ma gueule qui est trop grande ? — À grande gueule, grand vin ! buvons ! — Buvons comme les Romains, c’est-à-dire autant de coups que les noms de nos femmes ont de lettres ! — Bouteille ! que la mienne ne s’appelle-t-elle Véronique ! — Et la mienne Marie-Magdeleine ! Par ma gorge, ce vin est de cerneaux ! — Il n’est ni bâtard, ni bouté, ni bourru ! — Ce n’est pas vin à teindre les nappes ! Non ! c’est vin de singe, propre à mettre en pointe et vous donner jambes de vin ! — C’est vin piquant : il passe d’outre en outre ! — Vin qui rappelle son buveur ! — Vin à chanter messe de vin :

bibit ille, bibit illa
bibit vinum sine aqua
et pro rege et pro papa !

— Or çà, compères, qu’est-ce que le vin a de mieux ? — Sa couleur ! — Sa saveur ! — Sa chaleur ! — Sa fraîcheur ! — Point. Ce que le vin a de mieux, c’est de nous assembler autour d’une bouteille pour de si différentes raisons ! — Les raisons n’emplissent point les verres ! — Verse ! je te paierai de hoquets et de zigzags ! C’est monnaie sonnante et trébuchante ! Je veux vivre, boire et mourir ! — Vivere, bibere, sufficit ! — Moi, je veux mourir le verre en main ! — Moi en bouche ! — Moi, je ne veux être que mort-ivre ! — Moi, je ne veux trépasser que de fillettes et de feuillettes ! — Ho ! les sots fioleurs ! pour n’avoir un pied dans la tombe, gardez les deux en la vigne ! — Bien dit ! — Porter, à toute heure, la santé, pour ne la perdre jamais ! — Et vivre en joie ! Dieu appelle, de prime, ceux qui languissent sur terre ! — Verse donc ! le vin languit ! Voudrais-tu le voir, sous ton nez, monter au ciel ? — Tu es ivre ! — Comment le serais-je ? Je ne bois qu’un verre à la fois ! — Et quand nous le serions comme des soupes ? J’y vois plus de bien que de mal ! — Bien boire et laisser dire ! — Que celui qui n’a jamais bu nous jette le premier verre ! — J’en prends souci comme de ma première ribote ! — Être soûl, c’est être sûr ! — Qui est ivre tombe plus facilement aux pieds des femmes ! — Si je jurais de ne plus boire, je le jurerais sur mon verre ! — Moi, je voudrais que tous les verres fussent ronds du cul, pour qu’on ne les puisse poser ! — Et moi, pour qu’on ne me querelle d’entrer au cabaret, je n’en veux plus sortir ! — Holà ! Martine… du vin frais ! — Nenni ! vous avez assez bu… — Assez bu ? Qu’oses-tu dire ? Nous avons quelquefois trop bu… Assez, jamais ! — Apporte ! apporte, ma mignonne ! Pour la peine, nous te ferons un enfant !

La servante apporte une bouteille. Elle est claire, ronde, et de belle couleur. La bouteille ! La servante aussi… Mâchepoule lui presse le flanc. À la bouteille ! Maître Adam y goûte… À la servante !

Ça claque deux fois : une fois sur la bouche de Martine, une fois sur le nez du meunier.

— Doux baiser, Martine !

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