Le Message du Mikado (1912)

Kids, Fiction, Action/Adventure, Teen
Cover of the book Le Message du Mikado (1912) by PAUL D’IVOI, GILBERT TEROL
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Author: PAUL D’IVOI ISBN: 1230002806259
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 6, 2018
Imprint: Language: French
Author: PAUL D’IVOI
ISBN: 1230002806259
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 6, 2018
Imprint:
Language: French

Ouf ! Il va pouvoir se rhabiller, se débarrasser de l’inquiétude qui le tient depuis son arrivée. Si ses ennemis découvraient sa retraite, comment leur échapperait-il ? Chacun sait combien un civilisé se sent maladroit, alors qu’il est privé de ses vêtements.

Donc, avec une joie non dissimulée, Tibérade empoigna le caleçon de drap gris fer, partie du message diplomatique dont il avait assumé la garde.

— Ces idiots d’agents anglo-français, murmura-t-il. Ils seraient bien avancés quand ils tiendraient ce fragment d’étoffe… Et ils me sépareraient de Sika ; car je n’aurais plus aucune raison de l’accompagner.

Mais il s’interrompit pour lancer un cri de stupeur :

— Qu’est-ce que c’est que cela ?

La ceinture du vêtement, on s’en souvient, était doublée de satin noir.

Or, à cette heure, la doublure n’apparaissait plus uniformément foncée. Des signes blancs se dessinaient à sa surface, formant des lettres, des mots, des phrases.

Et le jeune homme, bouleversé, lut cette menaçante missive :

« Un mois après la cérémonie du Bain de la reine, les Hovas, armés secrètement, massacreront les faibles garnisons françaises. Notre flotte sera en vue de l’île de Madagascar et nos troupes de débarquement occuperont Diego-Suarez et ses abords, que Sa Gracieuse Majesté nous cédera à bail comme point d’appui stratégique et dépôt de charbon.

« En retour de Sa Courtoisie, nous la protégerons contre toute réclamation ultérieure des pays d’Europe. L’épée du Japon serait tirée, si quelque ennemi osait s’attaquer à notre alliée et amie, la gracieuse souveraine des Hovas.
« À-là dominatrice aimable de la grande île du Soleil-Couchant, le mikado, empereur des îles du Soleil-Levant, envoie l’assurance de son amitié. »

C’était un coup de foudre.

Le jeune homme demeura atterré.

Avec la rapidité prodigieuse de la pensée, il perçut instantanément les résultantes de la découverte que l’immersion dans le vinaigre, suivie de l’exposition à la chaleur, venait de déterminer.

S’il remettait le message étrange à son destinataire, il devenait traître à la France, et, ipso facto, il se considérait comme indigne de l’affection de Sika.

S’il ne le remettait pas, il trahissait la confiance d’Uko, et, de ce fait encore, creusait un abîme entre la blonde Japonaise et lui-même.

Partant, toujours l’anéantissement des espérances auxquelles il refusait de croire jusque-là, et qui, à cette heure tragique, s’imposaient à son esprit.

Ah ! l’emprise de Sika était bien puissante, car, pas une seconde, il n’envisagea la possibilité de prendre Célestin Midoulet, ou même la jolie Lydia, pour confidents.

Et il demeurait là, sur un escabeau grossier, immobile, anéanti, sans pouvoir de réflexion.

Il s’était si bien habitué à l’idée que le pantalon gris fer, un simple signal, ne renfermait aucun message ! La découverte de la vérité le bouleversait.

Comme il s’était mépris ! Combien la réalité le torturait !

Puis, tout à coup, dans son désarroi moral, il songea à sa petite cousine, à Emmie, la compagne rieuse des mauvais jours, dont la gaieté, l’insouciance le consolaient naguère.

Il éprouva un ardent désir de la voir, de lui confier sa peine.

L’homme avait besoin des consolations de l’enfant.

Oui, mais comment la prévenir sans éveiller les soupçons des agents des Renseignements, sans attirer ces curieux sur ses traces ?

L’hôte de Tibérade préparait le repas, sans paraître s’apercevoir de l’odeur vinaigrée emplissant la cabane.

— Antanahevo ! appela Marcel.

L’interpellé leva la tête :

— Que veux-tu de lui ? fit-il avec cet accent zézayant particulier aux Malgaches.

— Tu habites Tamatave depuis longtemps ?

— Depuis toujours.

— Alors tu connais les hôtels de la ville ?

Antanahevo se mit à rire.

— Oh ! les hôtels, pas difficile. Il n’y en a qu’un seul… et encore, les gens de ton pays affirment avec mépris que c’est une affreuse gargote. Je ne sais pas ce que cela signifie au juste ; mais la façon dont ils le disent prouve que ce n’est pas un compliment.

Bon renseignement. Il démontrait à tout le moins que les compagnons de voyage de Marcel n’avaient pu descendre en un autre endroit.

— Ceci est bien, reprit le jeune homme, et je pense que tu seras capable de te rendre à cet hôtel ?

— En quelques minutes ; la route est brève.

— Bon ! Mais il s’agit d’y pénétrer sous un prétexte dissimulant le véritable motif de ta venue.

— Tu ignores que j’ai mon assortiment de colporteur. Je vis de la vente des soies d’araignée, la spécialité du pays, des sacs de paille tressée, des bijoux, ornés de cristaux des montagnes…

La déclaration arracha à Tibérade un cri de joie qui interrompit l’énumération.

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Ouf ! Il va pouvoir se rhabiller, se débarrasser de l’inquiétude qui le tient depuis son arrivée. Si ses ennemis découvraient sa retraite, comment leur échapperait-il ? Chacun sait combien un civilisé se sent maladroit, alors qu’il est privé de ses vêtements.

Donc, avec une joie non dissimulée, Tibérade empoigna le caleçon de drap gris fer, partie du message diplomatique dont il avait assumé la garde.

— Ces idiots d’agents anglo-français, murmura-t-il. Ils seraient bien avancés quand ils tiendraient ce fragment d’étoffe… Et ils me sépareraient de Sika ; car je n’aurais plus aucune raison de l’accompagner.

Mais il s’interrompit pour lancer un cri de stupeur :

— Qu’est-ce que c’est que cela ?

La ceinture du vêtement, on s’en souvient, était doublée de satin noir.

Or, à cette heure, la doublure n’apparaissait plus uniformément foncée. Des signes blancs se dessinaient à sa surface, formant des lettres, des mots, des phrases.

Et le jeune homme, bouleversé, lut cette menaçante missive :

« Un mois après la cérémonie du Bain de la reine, les Hovas, armés secrètement, massacreront les faibles garnisons françaises. Notre flotte sera en vue de l’île de Madagascar et nos troupes de débarquement occuperont Diego-Suarez et ses abords, que Sa Gracieuse Majesté nous cédera à bail comme point d’appui stratégique et dépôt de charbon.

« En retour de Sa Courtoisie, nous la protégerons contre toute réclamation ultérieure des pays d’Europe. L’épée du Japon serait tirée, si quelque ennemi osait s’attaquer à notre alliée et amie, la gracieuse souveraine des Hovas.
« À-là dominatrice aimable de la grande île du Soleil-Couchant, le mikado, empereur des îles du Soleil-Levant, envoie l’assurance de son amitié. »

C’était un coup de foudre.

Le jeune homme demeura atterré.

Avec la rapidité prodigieuse de la pensée, il perçut instantanément les résultantes de la découverte que l’immersion dans le vinaigre, suivie de l’exposition à la chaleur, venait de déterminer.

S’il remettait le message étrange à son destinataire, il devenait traître à la France, et, ipso facto, il se considérait comme indigne de l’affection de Sika.

S’il ne le remettait pas, il trahissait la confiance d’Uko, et, de ce fait encore, creusait un abîme entre la blonde Japonaise et lui-même.

Partant, toujours l’anéantissement des espérances auxquelles il refusait de croire jusque-là, et qui, à cette heure tragique, s’imposaient à son esprit.

Ah ! l’emprise de Sika était bien puissante, car, pas une seconde, il n’envisagea la possibilité de prendre Célestin Midoulet, ou même la jolie Lydia, pour confidents.

Et il demeurait là, sur un escabeau grossier, immobile, anéanti, sans pouvoir de réflexion.

Il s’était si bien habitué à l’idée que le pantalon gris fer, un simple signal, ne renfermait aucun message ! La découverte de la vérité le bouleversait.

Comme il s’était mépris ! Combien la réalité le torturait !

Puis, tout à coup, dans son désarroi moral, il songea à sa petite cousine, à Emmie, la compagne rieuse des mauvais jours, dont la gaieté, l’insouciance le consolaient naguère.

Il éprouva un ardent désir de la voir, de lui confier sa peine.

L’homme avait besoin des consolations de l’enfant.

Oui, mais comment la prévenir sans éveiller les soupçons des agents des Renseignements, sans attirer ces curieux sur ses traces ?

L’hôte de Tibérade préparait le repas, sans paraître s’apercevoir de l’odeur vinaigrée emplissant la cabane.

— Antanahevo ! appela Marcel.

L’interpellé leva la tête :

— Que veux-tu de lui ? fit-il avec cet accent zézayant particulier aux Malgaches.

— Tu habites Tamatave depuis longtemps ?

— Depuis toujours.

— Alors tu connais les hôtels de la ville ?

Antanahevo se mit à rire.

— Oh ! les hôtels, pas difficile. Il n’y en a qu’un seul… et encore, les gens de ton pays affirment avec mépris que c’est une affreuse gargote. Je ne sais pas ce que cela signifie au juste ; mais la façon dont ils le disent prouve que ce n’est pas un compliment.

Bon renseignement. Il démontrait à tout le moins que les compagnons de voyage de Marcel n’avaient pu descendre en un autre endroit.

— Ceci est bien, reprit le jeune homme, et je pense que tu seras capable de te rendre à cet hôtel ?

— En quelques minutes ; la route est brève.

— Bon ! Mais il s’agit d’y pénétrer sous un prétexte dissimulant le véritable motif de ta venue.

— Tu ignores que j’ai mon assortiment de colporteur. Je vis de la vente des soies d’araignée, la spécialité du pays, des sacs de paille tressée, des bijoux, ornés de cristaux des montagnes…

La déclaration arracha à Tibérade un cri de joie qui interrompit l’énumération.

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