Author: | Théophile Gautier | ISBN: | 1230001179330 |
Publisher: | E H | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Théophile Gautier |
ISBN: | 1230001179330 |
Publisher: | E H |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Mon oncle, le chevalier de ***, habitait une petite maison donnant d’un côté sur la triste rue des Tournelles et de l’autre sur le triste boulevard Saint-Antoine. Entre le boulevard et le corps du logis, quelques vieilles charmilles, dévorées d’insectes et de mousse, étiraient piteusement leurs bras décharnés au fond d’une espèce de cloaque encaissé par de noires et hautes murailles. Quelques pauvres fleurs étiolées penchaient languissamment la tête comme des jeunes filles poitrinaires, attendant qu’un rayon de soleil vînt sécher leurs feuilles à moitié pourries. Les herbes avaient fait irruption dans les allées, qu’on avait peine à reconnaître, tant il y avait longtemps que le râteau ne s’y était promené. Un ou deux poissons rouges flottaient plutôt qu’ils ne nageaient dans un bassin couvert de lentilles d’eau et de plantes de marais.
Mon oncle appelait cela son jardin.
Dans le jardin de mon oncle, outre toutes les belles choses que nous venons de décrire, il y avait un pavillon passablement maussade, auquel, sans doute par antiphrase, il avait donné le nom de Délices. Il était dans un état de dégradation complète. Les murs faisaient ventre ; de larges plaques de crépi s’étaient détachées et gisaient à terre entre les orties et la folle avoine ; une moisissure putride verdissait les assises inférieures ; les bois des volets et des portes avaient joué, et ne fermaient plus ou fort mal. Une espèce de gros pot à feu avec des effluves rayonnants formait la décoration de l’entrée principale ; car, au temps de Louis XV, temps de la construction des Délices, il y avait toujours, par précaution, deux entrées. Des oves, des chicorées et des volutes surchargeaient la corniche toute démantelée par l’infiltration des eaux pluviales. — Bref, c’était une fabrique assez lamentable à voir que les Délices de mon oncle le chevalier de ***...
Mon oncle, le chevalier de ***, habitait une petite maison donnant d’un côté sur la triste rue des Tournelles et de l’autre sur le triste boulevard Saint-Antoine. Entre le boulevard et le corps du logis, quelques vieilles charmilles, dévorées d’insectes et de mousse, étiraient piteusement leurs bras décharnés au fond d’une espèce de cloaque encaissé par de noires et hautes murailles. Quelques pauvres fleurs étiolées penchaient languissamment la tête comme des jeunes filles poitrinaires, attendant qu’un rayon de soleil vînt sécher leurs feuilles à moitié pourries. Les herbes avaient fait irruption dans les allées, qu’on avait peine à reconnaître, tant il y avait longtemps que le râteau ne s’y était promené. Un ou deux poissons rouges flottaient plutôt qu’ils ne nageaient dans un bassin couvert de lentilles d’eau et de plantes de marais.
Mon oncle appelait cela son jardin.
Dans le jardin de mon oncle, outre toutes les belles choses que nous venons de décrire, il y avait un pavillon passablement maussade, auquel, sans doute par antiphrase, il avait donné le nom de Délices. Il était dans un état de dégradation complète. Les murs faisaient ventre ; de larges plaques de crépi s’étaient détachées et gisaient à terre entre les orties et la folle avoine ; une moisissure putride verdissait les assises inférieures ; les bois des volets et des portes avaient joué, et ne fermaient plus ou fort mal. Une espèce de gros pot à feu avec des effluves rayonnants formait la décoration de l’entrée principale ; car, au temps de Louis XV, temps de la construction des Délices, il y avait toujours, par précaution, deux entrées. Des oves, des chicorées et des volutes surchargeaient la corniche toute démantelée par l’infiltration des eaux pluviales. — Bref, c’était une fabrique assez lamentable à voir que les Délices de mon oncle le chevalier de ***...