Author: | CATHERINE BAKER | ISBN: | 1230000213434 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | January 28, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | CATHERINE BAKER |
ISBN: | 1230000213434 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | January 28, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Dans les premières civilisations et sur tous les continents habités, on a d’abord puni pour montrer aux dieux qu’on prenait leur parti contre ceux qui les offensaient : s’il entrait dans les interdits par exemple de tuer quelqu’un d’autre que ses enfants mais aussi bien de manger du mil à la pleine lune, on ne s’étonnait nullement de voir les deux interdits sanctionnés par la même peine de mort et il faudra des millénaires pour qu’on en vienne à échelonner des degrés d’infraction.
Le code d’Hammourabi, sévère et raffiné, date d’environ 1750 avant notre ère : il n’était qu’une réorganisation d’autres codes sumériens bien plus anciens comme celui d’Ouroukaniga écrit vers 2400. Avec le droit romain, on tente de rationaliser lois et sanctions, mais c’est en grande partie un échec : le droit pénal restera foncièrement sentimental jusqu’à nos jours, il s’incline toujours devant l’émotion suscitée par telle ou telle attitude. En France longtemps on a brûlé la langue des sacrilèges ; en 2003 dans un pays très civilisé comme le Nigeria, on lapide les femmes adultères ; et à présent que le vol de rue se répand, il n’est pas rare d’entendre des non-musulmans défendre l’idée que couper la main d’un voleur est une solution à envisager. La sanction n’apparaît exagérée que lorsque l’infraction est sur le point d’être décriminalisée. Pour ce qui est des crimes de sang, on constate que très profondément l’humanité reste attachée à la Loi du talion. La Justice est fatalement tributaire de la vox populi et plus les sentiments d’une foule sont médiatisés et plus on connaît d’avance le verdict qui sera prononcé.
Des juristes, avec constance, essaient depuis plus de 2 000 ans de tirer le droit vers la sagesse, de le dégager des sentiments de colère, d’envie et surtout du goût du pouvoir qui animent trop souvent les hommes de loi. Ne parlons pas des superstitions : chaque siècle a les siennes et l’on voit mal comment un juge pourrait y échapper. Serait-il en ce domaine un homme d’exception qu’il aurait toute la Cour contre lui.
Mais admettons cependant que lutte il y a et que, de l’époque romaine jusqu’à nos jours, des juristes ont essayé de faire triompher dans les esprits et les textes sinon la raison du moins l’intelligence des êtres et des situations.
En France, au long des mille ans du moyen âge, les juridictions ecclésiastiques et les laïques vont peu à peu s’harmoniser (de force) sous le sceptre royal. Mais tant que durera la féodalité, les peines resteront très aléatoires, imprévisibles et, au sens le plus littéral du terme, dépendront du bon plaisir non du prince mais des princes. Cependant s’impose petit à petit un droit coutumier aussi bien dans le nord dominé par le droit germain que dans le sud où l’on est resté très attaché au droit romain. En Italie, principalement à l’université de Bologne, s’élabore à partir de celui-ci une véritable pensée juridique. En 1160, à Montpellier, des émules commencent à rédiger eux aussi une somme des lois. Très vite ce droit écrit va prévaloir en Provence, en Languedoc et en Dauphiné. Ailleurs perdure le droit coutumier, l’ancêtre de notre jurisprudence. La rédaction officielle des coutumes ne commença que sous Charles VII, à la suite d’une ordonnance de 1454.
Ce droit coutumier, influencé par les pays germains, celtes et saxons, était nettement plus favorable aux femmes que le droit romain à la source du droit écrit. Étrangement, les rois de France, principalement Philippe Auguste et Philippe le Hardi, luttèrent pour préserver ce droit coutumier. Mais le combat était perdu d’avance et c’est le droit romain qui l’emporta. Cela dit, la rivalité entre les deux conceptions juridiques dura jusqu’à ce que les sans-culottes obtinssent l’abolition des coutumes et l’établissement, évidemment idéal, d’une même justice pour tous.
Bonaparte fit élaborer le Code civil de 1800 à 1804. Le Code pénal date de 1810. Outre le souci d’unification qu’il manifeste, le Code pénal s’inscrit dans une perspective nouvelle que l’on doit à Cesare Beccaria (1738-1794). En 1764, à vingt-six ans, il avait fait paraître un ouvrage remarquable, Des délits et des peines, où il défendait cette idée très neuve que toute peine devait être proportionnée au délit et que la mesure de ce rapport était fonction du tort infligé. En revanche, on ne le suivit pas pour ce qui est de l’abolition de la peine de mort et de toute torture. Ce livre ardemment soutenu en France par Diderot et Voltaire devait transformer tout le droit pénal de l’Europe occidentale. Au sein de son temps, Beccaria est allé le plus loin possible et j’ai une grande tendresse pour lui, même si, pensant et parlant bien des lustres plus tard, j’ai beau jeu de critiquer tel ou tel aspect de sa pensée qui a donné l’occasion à quelques malfaisants de défendre par la suite l’incarcération.
Dans les premières civilisations et sur tous les continents habités, on a d’abord puni pour montrer aux dieux qu’on prenait leur parti contre ceux qui les offensaient : s’il entrait dans les interdits par exemple de tuer quelqu’un d’autre que ses enfants mais aussi bien de manger du mil à la pleine lune, on ne s’étonnait nullement de voir les deux interdits sanctionnés par la même peine de mort et il faudra des millénaires pour qu’on en vienne à échelonner des degrés d’infraction.
Le code d’Hammourabi, sévère et raffiné, date d’environ 1750 avant notre ère : il n’était qu’une réorganisation d’autres codes sumériens bien plus anciens comme celui d’Ouroukaniga écrit vers 2400. Avec le droit romain, on tente de rationaliser lois et sanctions, mais c’est en grande partie un échec : le droit pénal restera foncièrement sentimental jusqu’à nos jours, il s’incline toujours devant l’émotion suscitée par telle ou telle attitude. En France longtemps on a brûlé la langue des sacrilèges ; en 2003 dans un pays très civilisé comme le Nigeria, on lapide les femmes adultères ; et à présent que le vol de rue se répand, il n’est pas rare d’entendre des non-musulmans défendre l’idée que couper la main d’un voleur est une solution à envisager. La sanction n’apparaît exagérée que lorsque l’infraction est sur le point d’être décriminalisée. Pour ce qui est des crimes de sang, on constate que très profondément l’humanité reste attachée à la Loi du talion. La Justice est fatalement tributaire de la vox populi et plus les sentiments d’une foule sont médiatisés et plus on connaît d’avance le verdict qui sera prononcé.
Des juristes, avec constance, essaient depuis plus de 2 000 ans de tirer le droit vers la sagesse, de le dégager des sentiments de colère, d’envie et surtout du goût du pouvoir qui animent trop souvent les hommes de loi. Ne parlons pas des superstitions : chaque siècle a les siennes et l’on voit mal comment un juge pourrait y échapper. Serait-il en ce domaine un homme d’exception qu’il aurait toute la Cour contre lui.
Mais admettons cependant que lutte il y a et que, de l’époque romaine jusqu’à nos jours, des juristes ont essayé de faire triompher dans les esprits et les textes sinon la raison du moins l’intelligence des êtres et des situations.
En France, au long des mille ans du moyen âge, les juridictions ecclésiastiques et les laïques vont peu à peu s’harmoniser (de force) sous le sceptre royal. Mais tant que durera la féodalité, les peines resteront très aléatoires, imprévisibles et, au sens le plus littéral du terme, dépendront du bon plaisir non du prince mais des princes. Cependant s’impose petit à petit un droit coutumier aussi bien dans le nord dominé par le droit germain que dans le sud où l’on est resté très attaché au droit romain. En Italie, principalement à l’université de Bologne, s’élabore à partir de celui-ci une véritable pensée juridique. En 1160, à Montpellier, des émules commencent à rédiger eux aussi une somme des lois. Très vite ce droit écrit va prévaloir en Provence, en Languedoc et en Dauphiné. Ailleurs perdure le droit coutumier, l’ancêtre de notre jurisprudence. La rédaction officielle des coutumes ne commença que sous Charles VII, à la suite d’une ordonnance de 1454.
Ce droit coutumier, influencé par les pays germains, celtes et saxons, était nettement plus favorable aux femmes que le droit romain à la source du droit écrit. Étrangement, les rois de France, principalement Philippe Auguste et Philippe le Hardi, luttèrent pour préserver ce droit coutumier. Mais le combat était perdu d’avance et c’est le droit romain qui l’emporta. Cela dit, la rivalité entre les deux conceptions juridiques dura jusqu’à ce que les sans-culottes obtinssent l’abolition des coutumes et l’établissement, évidemment idéal, d’une même justice pour tous.
Bonaparte fit élaborer le Code civil de 1800 à 1804. Le Code pénal date de 1810. Outre le souci d’unification qu’il manifeste, le Code pénal s’inscrit dans une perspective nouvelle que l’on doit à Cesare Beccaria (1738-1794). En 1764, à vingt-six ans, il avait fait paraître un ouvrage remarquable, Des délits et des peines, où il défendait cette idée très neuve que toute peine devait être proportionnée au délit et que la mesure de ce rapport était fonction du tort infligé. En revanche, on ne le suivit pas pour ce qui est de l’abolition de la peine de mort et de toute torture. Ce livre ardemment soutenu en France par Diderot et Voltaire devait transformer tout le droit pénal de l’Europe occidentale. Au sein de son temps, Beccaria est allé le plus loin possible et j’ai une grande tendresse pour lui, même si, pensant et parlant bien des lustres plus tard, j’ai beau jeu de critiquer tel ou tel aspect de sa pensée qui a donné l’occasion à quelques malfaisants de défendre par la suite l’incarcération.