Author: | Jules Renard | ISBN: | 1230000974431 |
Publisher: | MD | Publication: | March 3, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Jules Renard |
ISBN: | 1230000974431 |
Publisher: | MD |
Publication: | March 3, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
« Oui, dit Violone, je t’ai embrassé, Marseau ; tu peux l’avouer, car tu n’as fait aucun mal. Je t’ai embrassé sur le front, mais Véringue ne peut pas comprendre, déjà trop dépravé pour son âge, que c’est là un baiser pur et chaste, un baiser de père à enfant, et que je t’aime comme un fils, ou si tu veux comme un frère, et demain il ira répéter partout je ne sais quoi, le petit imbécile ! »
À ces mots, tandis que la voix de Violone vibrait sourdement, Véringue feignit de dormir. Toutefois, il soulevait sa tête afin d’entendre encore.
Marseau avait écouté le maître d’étude, le souffle ténu, ténu, car tout en trouvant ses paroles très naturelles et bien compréhensibles, il tremblait comme s’il eût redouté la révélation de quelque mystère. Violone continua, le plus bas qu’il put. C’étaient des mots inarticulés, lointains, des sons à peine localisés. Véringue, qui, sans oser se retourner, se rapprochait insensiblement, au moyen de légères oscillations de hanches, n’entendait plus rien. Son attention était à ce point surexcitée que ses oreilles lui semblaient matériellement se creuser et s’évaser en entonnoir ; mais aucun son n’y tombait. Il se rappelait avoir éprouvé parfois une sensation d’effort semblable, en écoutant aux portes, en collant son œil à la serrure, avec le désir d’en agrandir le trou, et d’attirer à lui, comme avec un crampon, ce qu’il voulait voir. Cependant il l’aurait parié, Violone répétait encore :
« Oui, mon affection est pure, pure, et c’est ce que ce petit imbécile ne comprend pas ! »
Extrait :
« Oui, dit Violone, je t’ai embrassé, Marseau ; tu peux l’avouer, car tu n’as fait aucun mal. Je t’ai embrassé sur le front, mais Véringue ne peut pas comprendre, déjà trop dépravé pour son âge, que c’est là un baiser pur et chaste, un baiser de père à enfant, et que je t’aime comme un fils, ou si tu veux comme un frère, et demain il ira répéter partout je ne sais quoi, le petit imbécile ! »
À ces mots, tandis que la voix de Violone vibrait sourdement, Véringue feignit de dormir. Toutefois, il soulevait sa tête afin d’entendre encore.
Marseau avait écouté le maître d’étude, le souffle ténu, ténu, car tout en trouvant ses paroles très naturelles et bien compréhensibles, il tremblait comme s’il eût redouté la révélation de quelque mystère. Violone continua, le plus bas qu’il put. C’étaient des mots inarticulés, lointains, des sons à peine localisés. Véringue, qui, sans oser se retourner, se rapprochait insensiblement, au moyen de légères oscillations de hanches, n’entendait plus rien. Son attention était à ce point surexcitée que ses oreilles lui semblaient matériellement se creuser et s’évaser en entonnoir ; mais aucun son n’y tombait. Il se rappelait avoir éprouvé parfois une sensation d’effort semblable, en écoutant aux portes, en collant son œil à la serrure, avec le désir d’en agrandir le trou, et d’attirer à lui, comme avec un crampon, ce qu’il voulait voir. Cependant il l’aurait parié, Violone répétait encore :
« Oui, mon affection est pure, pure, et c’est ce que ce petit imbécile ne comprend pas ! »