Une famille parisienne à Madagascar

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Une famille parisienne à Madagascar by ADOLPHE BADIN, GILBERT TEROL
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Author: ADOLPHE BADIN ISBN: 1230000213163
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 27, 2014
Imprint: Language: French
Author: ADOLPHE BADIN
ISBN: 1230000213163
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 27, 2014
Imprint:
Language: French

Cette réapparition inattendue d’un oncle qui n’avait point donner signe de vie depuis si longtemps surprenait Michel au lendemain même de ses récentes déconvenues en Bourse. Un instant il se demanda s’il n’était pas l’objet de quelque mystification, ou bien si un hasard tout à fait invraisemblable n’avait point mis le vieux Daniel au courant de sa situation exacte. Comment imaginer cependant qu’à cinq mille kilomètres de Paris le colon-négociant de Manakarana eût pu deviner ce que Michel avait si soigneusement caché à ses plus intimes amis ?

C’est à peine, du reste, si Michel se rappelait cet oncle Daniel. Vingt-huit ans d’absence ne laissent pas de jeter dans les mémoires les plus fidèles une ombre assez épaisse. Il lui fallut faire un gros effort de réflexion pour se représenter un homme de grande taille, haut en couleur, dont les allures quelque peu fantaisistes l’avaient frappé jadis, en raison surtout du contraste formel qu’elles offraient avec les manières réservées jusqu’au scrupule de son père. Il se souvint aussi que le voyageur lui avait témoigné beaucoup de sympathie, et raconté très patiemment ses lointains voyages.

Quant à la proposition en elle-même, si affectueusement qu’elle fût formulée, elle lui parut au premier abord extravagant. Il était de ces parisiens qui ne s’imaginent pas qu’on puisse vivre ailleurs qu’à Paris. Il ne se voyait pas du tout dans le rôle classique du colon, tout de blanc habillé avec un gigantesque chapeau de paille, fouaillant à coups de fouet une équipe de travailleurs noirs comme des taupes et nus comme des vers. Jamais d’ailleurs il ne s’était occupé de culture, grande ou petite, et à peine eût-il été capable de distinguer un pied de haricots d’un pied de petits pois. Le commerce ne lui était guère moins étranger ; et, quant aux mines d’or, d’argent ou de n’importe quoi, il ne les connaissait que pour avoir joué dessus à la Bourse. Dans ces conditions, qu’eût-il été faire à Madagascar, loin de tout ce qui avait été jusque-là ses occupations, ses goûts, sa vie en un mot ?

Il remuait toutes ces réflexions lorsqu’un léger coup frappé à la porte de son cabinet le rappela à la réalité. C’était Mme Berthier qui, prise d’inquiétude en entendant son mari marcher à grands pas, accourait s’assurer si quelque nouvel incident fâcheux ne venait pas troubler encore une fois la paix de leur intérieur. Ses inquiétudes à peine apaisées par l’explication qu’elle avait eue avec Michel, allait-elle être forcée de trembler de nouveau pour l’avenir et de voir se rassombrir le front de l’homme qu’elle aimait si tendrement ?

« Tu arrives à propos, Marie ! dit Michel en montrant à sa femme la lettre restée ouverte sur le bureau. Tiens ! lis : tu vas bien rire. »

Mme Berthier lut les nombreux feuillets du vieux Daniel ; mais, à la surprise de Michel, cette lecture sembla vivement l’intéresser.

« Comment trouves-tu ce brave homme d’oncle qui nous attend tranquillement par le premier bateau dans son pays de caïmans ? demanda celui-ci.

— Eh bien ! mais, répondit Marie Berthier, ne parlais-tu pas toi-même, il y a quelques jours à peine, d’aller au bout du monde pour fuir la déveine qui semblait s’acharner ici sur toi ?

— Ce sont des paroles en l’air qu’on laisse échapper sans réflexion dans un moment de découragement et de folie, et qu’on oublie une heure après.

— A en croire ton oncle, ce pays de Madagascar offrirait des chances sérieuses de fortune à ceux qui auraient le courage d’y aller voir.

— Si j’étais plus jeune, je ne dis pas que je ne me laisserais pas tenter.

— Bah ! On est jeune tant qu’on a la force et la santé.

— Oui, mais quand on a femme et enfants on n’a pas le droit de se lancer dans de semblables aventures.

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Cette réapparition inattendue d’un oncle qui n’avait point donner signe de vie depuis si longtemps surprenait Michel au lendemain même de ses récentes déconvenues en Bourse. Un instant il se demanda s’il n’était pas l’objet de quelque mystification, ou bien si un hasard tout à fait invraisemblable n’avait point mis le vieux Daniel au courant de sa situation exacte. Comment imaginer cependant qu’à cinq mille kilomètres de Paris le colon-négociant de Manakarana eût pu deviner ce que Michel avait si soigneusement caché à ses plus intimes amis ?

C’est à peine, du reste, si Michel se rappelait cet oncle Daniel. Vingt-huit ans d’absence ne laissent pas de jeter dans les mémoires les plus fidèles une ombre assez épaisse. Il lui fallut faire un gros effort de réflexion pour se représenter un homme de grande taille, haut en couleur, dont les allures quelque peu fantaisistes l’avaient frappé jadis, en raison surtout du contraste formel qu’elles offraient avec les manières réservées jusqu’au scrupule de son père. Il se souvint aussi que le voyageur lui avait témoigné beaucoup de sympathie, et raconté très patiemment ses lointains voyages.

Quant à la proposition en elle-même, si affectueusement qu’elle fût formulée, elle lui parut au premier abord extravagant. Il était de ces parisiens qui ne s’imaginent pas qu’on puisse vivre ailleurs qu’à Paris. Il ne se voyait pas du tout dans le rôle classique du colon, tout de blanc habillé avec un gigantesque chapeau de paille, fouaillant à coups de fouet une équipe de travailleurs noirs comme des taupes et nus comme des vers. Jamais d’ailleurs il ne s’était occupé de culture, grande ou petite, et à peine eût-il été capable de distinguer un pied de haricots d’un pied de petits pois. Le commerce ne lui était guère moins étranger ; et, quant aux mines d’or, d’argent ou de n’importe quoi, il ne les connaissait que pour avoir joué dessus à la Bourse. Dans ces conditions, qu’eût-il été faire à Madagascar, loin de tout ce qui avait été jusque-là ses occupations, ses goûts, sa vie en un mot ?

Il remuait toutes ces réflexions lorsqu’un léger coup frappé à la porte de son cabinet le rappela à la réalité. C’était Mme Berthier qui, prise d’inquiétude en entendant son mari marcher à grands pas, accourait s’assurer si quelque nouvel incident fâcheux ne venait pas troubler encore une fois la paix de leur intérieur. Ses inquiétudes à peine apaisées par l’explication qu’elle avait eue avec Michel, allait-elle être forcée de trembler de nouveau pour l’avenir et de voir se rassombrir le front de l’homme qu’elle aimait si tendrement ?

« Tu arrives à propos, Marie ! dit Michel en montrant à sa femme la lettre restée ouverte sur le bureau. Tiens ! lis : tu vas bien rire. »

Mme Berthier lut les nombreux feuillets du vieux Daniel ; mais, à la surprise de Michel, cette lecture sembla vivement l’intéresser.

« Comment trouves-tu ce brave homme d’oncle qui nous attend tranquillement par le premier bateau dans son pays de caïmans ? demanda celui-ci.

— Eh bien ! mais, répondit Marie Berthier, ne parlais-tu pas toi-même, il y a quelques jours à peine, d’aller au bout du monde pour fuir la déveine qui semblait s’acharner ici sur toi ?

— Ce sont des paroles en l’air qu’on laisse échapper sans réflexion dans un moment de découragement et de folie, et qu’on oublie une heure après.

— A en croire ton oncle, ce pays de Madagascar offrirait des chances sérieuses de fortune à ceux qui auraient le courage d’y aller voir.

— Si j’étais plus jeune, je ne dis pas que je ne me laisserais pas tenter.

— Bah ! On est jeune tant qu’on a la force et la santé.

— Oui, mais quand on a femme et enfants on n’a pas le droit de se lancer dans de semblables aventures.

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