Author: | René Crevel | ISBN: | 1230000287906 |
Publisher: | PRB | Publication: | December 26, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | René Crevel |
ISBN: | 1230000287906 |
Publisher: | PRB |
Publication: | December 26, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
"La mort difficile'" est un roman de l'écrivain et poète français René Crevel (1900 - 1935).
Il raconte le désespoir radical d'un enfant de la bourgeoisie parisienne, enchaîné à son destin.
C'est le plus beau roman de Crevel, le moins surréaliste et le plus autobiographique. L'auteur y parle de ses rapports conflictuels avec sa mère, de son amour douloureux pour le peintre américain Eugène Mac Cown, (Bruggle dans le roman), et surtout il y met en scène, de façon prémonitoire, sa propre mort, son propre suicide.
Extrait :
Mme Dumont-Dufour et Mme Blok parlent de leurs malheurs. C’est-à-dire de leurs maris. Mme Dumont-Dufour qui eût été juriste, comme feu son père le président Dufour, si elle avait eu la chance de naître homme, soudain renonce à l’énumération des méfaits individuels, pour accuser dans un réquisitoire à portée sociale et avec des mots qui — elle en a donné son billet — ne sont pas mâchés, les lois elles-mêmes.
…Oui les lois, car, telle est la stupidité du code et son parti pris que M. Dumont a eu beau mener sabbat, tant qu’il a pu, sa femme aujourd’hui n’a même pas la ressource du divorce.
Faute de ciel, les yeux prennent à témoin le plafond. Les mains font de leur mieux et Mme Blok pense que Mme Dumont-Dufour ne serait pas déplacée dans quelque grand salon orné de cinquante lustres, soixante-quinze pianos à queue et une infinité de girandoles. Mais à la vérité, il ne s’agit pas d’un salon, si grand soit-il. Mme Dumont-Dufour évoque tout un pays, un continent et davantage encore : son domaine des souvenirs. Le domaine des souvenirs. Une mer où transparaît une ville engloutie, car, chère Mme Blok, elles sont au fond de l’eau, bien au fond les illusions de Mme Dumont-Dufour. Que lui reste-t-il ici-bas, à présent ? Des regrets, la mémoire de gestes sans joie. Quant à l’avenir, on n’ose y songer.
Si elle était de ces folles qui se paient d’imagination, sans doute pourrait-elle passer le jour à se fabriquer des revanches imaginaires. Hélas ! Mme Dumont-Dufour qui aime la pompe et ne s’en laisse imposer que par les hautes montagnes, les cartes de visites noires de titres, les corbillards empanachés, les messes de mariage avec leurs candélabres étincelants, leurs lys sans pollen, et les familles sur leurs trente et un, Mme Dumont-Dufour qui préfère la majesté des plumes d’autruche à la couleur des oiseaux du paradis, non seulement n’est point comblée dans ses hautes aspirations, mais encore doit se refuser à l’espoir de satisfaire jamais ses nobles goûts...
"La mort difficile'" est un roman de l'écrivain et poète français René Crevel (1900 - 1935).
Il raconte le désespoir radical d'un enfant de la bourgeoisie parisienne, enchaîné à son destin.
C'est le plus beau roman de Crevel, le moins surréaliste et le plus autobiographique. L'auteur y parle de ses rapports conflictuels avec sa mère, de son amour douloureux pour le peintre américain Eugène Mac Cown, (Bruggle dans le roman), et surtout il y met en scène, de façon prémonitoire, sa propre mort, son propre suicide.
Extrait :
Mme Dumont-Dufour et Mme Blok parlent de leurs malheurs. C’est-à-dire de leurs maris. Mme Dumont-Dufour qui eût été juriste, comme feu son père le président Dufour, si elle avait eu la chance de naître homme, soudain renonce à l’énumération des méfaits individuels, pour accuser dans un réquisitoire à portée sociale et avec des mots qui — elle en a donné son billet — ne sont pas mâchés, les lois elles-mêmes.
…Oui les lois, car, telle est la stupidité du code et son parti pris que M. Dumont a eu beau mener sabbat, tant qu’il a pu, sa femme aujourd’hui n’a même pas la ressource du divorce.
Faute de ciel, les yeux prennent à témoin le plafond. Les mains font de leur mieux et Mme Blok pense que Mme Dumont-Dufour ne serait pas déplacée dans quelque grand salon orné de cinquante lustres, soixante-quinze pianos à queue et une infinité de girandoles. Mais à la vérité, il ne s’agit pas d’un salon, si grand soit-il. Mme Dumont-Dufour évoque tout un pays, un continent et davantage encore : son domaine des souvenirs. Le domaine des souvenirs. Une mer où transparaît une ville engloutie, car, chère Mme Blok, elles sont au fond de l’eau, bien au fond les illusions de Mme Dumont-Dufour. Que lui reste-t-il ici-bas, à présent ? Des regrets, la mémoire de gestes sans joie. Quant à l’avenir, on n’ose y songer.
Si elle était de ces folles qui se paient d’imagination, sans doute pourrait-elle passer le jour à se fabriquer des revanches imaginaires. Hélas ! Mme Dumont-Dufour qui aime la pompe et ne s’en laisse imposer que par les hautes montagnes, les cartes de visites noires de titres, les corbillards empanachés, les messes de mariage avec leurs candélabres étincelants, leurs lys sans pollen, et les familles sur leurs trente et un, Mme Dumont-Dufour qui préfère la majesté des plumes d’autruche à la couleur des oiseaux du paradis, non seulement n’est point comblée dans ses hautes aspirations, mais encore doit se refuser à l’espoir de satisfaire jamais ses nobles goûts...