LOUISON

Fiction & Literature, Drama, Nonfiction, Entertainment
Cover of the book LOUISON by Alfred De Musset, Alfred De Musset
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Author: Alfred De Musset ISBN: 1230000229541
Publisher: Alfred De Musset Publication: March 31, 2014
Imprint: Language: French
Author: Alfred De Musset
ISBN: 1230000229541
Publisher: Alfred De Musset
Publication: March 31, 2014
Imprint:
Language: French

EXTRAIT:

ACTE PREMIER

SCÈNE PREMIÈRE

LISETTE, seule.

Me voilà bien chanceuse; il n'en faut plus qu'autant.

Le sort est, quand il veut, bien impatientant.

Que les honnêtes gens se mettent à ma place,

Et qu'on me dise un peu ce qu'il faut que je fasse.

Voici tantôt vingt ans que je vivais chez nous;

Dieu m'a faite pour rire et pour planter des choux.

J'avais pour précepteur le curé du village;

J'appris ce qu'il savait, même un peu davantage.

Je vivais sur parole, et je trouvais moyen

D'avoir des amoureux sans qu'il m'en coûtât rien.

Mon père était fermier; j'étais sa ménagère.

Je courais la maison, toujours brave et légère,

Et j'aurais de grand coeur, pour obliger nos gens,

Mené les vaches paître ou les dindons aux champs.

Un beau jour on m'embarque, on me met dans un coche,

Un paquet sous le bras, dix écus dans ma poche,

On me promet fortune et la fleur des maris,

On m'expédie en poste, et je suis à Paris.

Aussitôt, de paniers largement affublée,

De taffetas vêtue et de poudre aveuglée,

On m'apprend que je suis gouvernante céans.

Gouvernante de quoi ? monsieur n'a pas d'enfants.

Il en fera plus tard.- On meuble une chambrette;

On me dit: Désormais, tu t'appelles Lisette.

J'y consens, et mon rôle est de régner en paix

Sur trois filles de chambre et neuf ou dix laquais.

Jusque-là mon destin ne faisait pas grand'peine.

La maréchale m'aime; au fait, c'est ma marraine.

Sa bru, notre duchesse, a l'air fort innocent.

Mais monseigneur le duc alors était absent;

Où ? je ne sais pas trop, à la noce, à la guerre.

Enfin, ces jours derniers, comme on n'y pensait guère,

Il écrit qu'il revient, il arrive, et, ma foi,

Tout juste, en arrivant, tombe amoureux de moi.

Je vous demande un peu quelle étrange folie!

Sa femme est sage et douce autant qu'elle est jolie.

Elle l'aime, Dieu sait! et ce libertin-là

Ne peut pas bonnement s'en tenir à cela;

Il m'écrit des poulets, me conte des fredaines,

Me donne des rubans, des noeuds et des mitaines;

Puis enfin, plus hardi, pas plus tard qu'à présent,

Du brillant que voici veut me faire présent.

Un diamant, à moi! la chose est assez claire.

Hors de l'argent comptant, que diantre en puis-je faire ?

Je ne suis pas duchesse, et ne puis le porter.

Ainsi, tout simplement, monsieur veut m'acheter.

Voyons, me fâcherai-je ?- Il n'est pas très commode

De les heurter de front, ces tyrans à la mode,

Et la prison est là, pour un oui, pour un non,

Quand sur un talon rouge on glisse à Trianon.

Faut-il être sincère et tout dire à madame ?

C'est lui mettre, d'un mot, bien du chagrin dans l'âme,

Troubler une maison, peut-être pour toujours,

Et pour un pur caprice en chasser les amours.

Vaut-il pas mieux agir en personne discrète,

Et garder dans le coeur cette injure secrète ?

Oui, c'est le plus prudent.- Ah! que j'ai de souci!

Ce brillant est gentil... et monseigneur aussi.

Je vais lui renvoyer sa bague à l'instant même,

Ici, dans ce papier.- Ma foi, tant pis s'il m'aime!

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EXTRAIT:

ACTE PREMIER

SCÈNE PREMIÈRE

LISETTE, seule.

Me voilà bien chanceuse; il n'en faut plus qu'autant.

Le sort est, quand il veut, bien impatientant.

Que les honnêtes gens se mettent à ma place,

Et qu'on me dise un peu ce qu'il faut que je fasse.

Voici tantôt vingt ans que je vivais chez nous;

Dieu m'a faite pour rire et pour planter des choux.

J'avais pour précepteur le curé du village;

J'appris ce qu'il savait, même un peu davantage.

Je vivais sur parole, et je trouvais moyen

D'avoir des amoureux sans qu'il m'en coûtât rien.

Mon père était fermier; j'étais sa ménagère.

Je courais la maison, toujours brave et légère,

Et j'aurais de grand coeur, pour obliger nos gens,

Mené les vaches paître ou les dindons aux champs.

Un beau jour on m'embarque, on me met dans un coche,

Un paquet sous le bras, dix écus dans ma poche,

On me promet fortune et la fleur des maris,

On m'expédie en poste, et je suis à Paris.

Aussitôt, de paniers largement affublée,

De taffetas vêtue et de poudre aveuglée,

On m'apprend que je suis gouvernante céans.

Gouvernante de quoi ? monsieur n'a pas d'enfants.

Il en fera plus tard.- On meuble une chambrette;

On me dit: Désormais, tu t'appelles Lisette.

J'y consens, et mon rôle est de régner en paix

Sur trois filles de chambre et neuf ou dix laquais.

Jusque-là mon destin ne faisait pas grand'peine.

La maréchale m'aime; au fait, c'est ma marraine.

Sa bru, notre duchesse, a l'air fort innocent.

Mais monseigneur le duc alors était absent;

Où ? je ne sais pas trop, à la noce, à la guerre.

Enfin, ces jours derniers, comme on n'y pensait guère,

Il écrit qu'il revient, il arrive, et, ma foi,

Tout juste, en arrivant, tombe amoureux de moi.

Je vous demande un peu quelle étrange folie!

Sa femme est sage et douce autant qu'elle est jolie.

Elle l'aime, Dieu sait! et ce libertin-là

Ne peut pas bonnement s'en tenir à cela;

Il m'écrit des poulets, me conte des fredaines,

Me donne des rubans, des noeuds et des mitaines;

Puis enfin, plus hardi, pas plus tard qu'à présent,

Du brillant que voici veut me faire présent.

Un diamant, à moi! la chose est assez claire.

Hors de l'argent comptant, que diantre en puis-je faire ?

Je ne suis pas duchesse, et ne puis le porter.

Ainsi, tout simplement, monsieur veut m'acheter.

Voyons, me fâcherai-je ?- Il n'est pas très commode

De les heurter de front, ces tyrans à la mode,

Et la prison est là, pour un oui, pour un non,

Quand sur un talon rouge on glisse à Trianon.

Faut-il être sincère et tout dire à madame ?

C'est lui mettre, d'un mot, bien du chagrin dans l'âme,

Troubler une maison, peut-être pour toujours,

Et pour un pur caprice en chasser les amours.

Vaut-il pas mieux agir en personne discrète,

Et garder dans le coeur cette injure secrète ?

Oui, c'est le plus prudent.- Ah! que j'ai de souci!

Ce brillant est gentil... et monseigneur aussi.

Je vais lui renvoyer sa bague à l'instant même,

Ici, dans ce papier.- Ma foi, tant pis s'il m'aime!

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