Author: | EUGÈNE DICK | ISBN: | 1230000213612 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | January 28, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | EUGÈNE DICK |
ISBN: | 1230000213612 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | January 28, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Au moment où nous le mettons en scène, Georges Labrosse a vingt ans.
Il vient de terminer, au Séminaire de Québec, des études qui n’ont été ni brillantes, ni mauvaises : — ce qu’on est convenu d’appeler de bonnes études.
N’ayant pas eu de velléités pour la prêtrise, Georges est libre de choisir l’état de vie qui lui plaira le mieux. L’horizon vaste infini — l’horizon féérique où vont s’abattre nos aspirations, à vingt ans — s’arrondit devant lui, par de tout nuage. Aucune entrave ne gêne ses mouvements ! aucune chaîne ne lie son cœur ! aucun obstacle ne se montre sur la route large, saturée de tous les parfums, qui s’ouvre et se déroule sous ses pieds, à mesure qu’il fait un pas en avant.
Que faut-il pour réussir dans le monde ?
Quatre choses : de l’argent, de l’instruction, de l’énergie et du génie pour la spécialité à laquelle on se destine.
C’est bien ! ces quatre choses indispensables au succès d’une entreprise sérieuse quelconque, notre héros les possède toutes à un haut degré.
Voyons plutôt.
Son père, en mourant, lui a laissé deux milles piastres de revenu : — ce qui suppose, comme vous voyez, une fortune assez ronde pour capital.
Donc Georges a de l’argent.
Et d’une !
Poursuivons notre examen.
Les études que notre héros a faites au Séminaire, de Québec — bien que pouvant être surpassées — représentent, il faut l’avouer, une somme assez respectable de connaissances ; et, à moins de faire injure à l’institution où il s’est formé, on ne peut refuser à notre ami Labrosse une instruction capable d’être un bon élément de succès dans les occupations ordinaires de la vie. D’ailleurs pour surcroît de preuve — il a pâti, pendant plusieurs années, sur de vieux livres latins et grecs : le quos ego ne l’effraie pas plus que rosa, rosæ ; tous les alphas et les omegas du monde rangés en bataille ou déployés en tirailleurs, ne lui feraient pas trembler un muscle. Surabondamment, il a une teinte de pottountacais et possède un soupçon de zolof.
Donc, nous sommes tous d’accord pour bombarder Georges… instruit.
Et de deux !
Tâchons maintenant de lui trouver de l’énergie.
Nous n’avons pas besoin d’aller bien loin, ni de faire de longues phrases, pour prouver l’existence de cette faculté dans l’âme de notre héros. Prenons, au hasard, un exemple dans sa vie privée.
Un jour qu’il flânait sur la Plate-Forme, bâillant aux… oiseaux blancs (c’était en mars), Georges, alors grand garçon de dix-huit ans, fut insulté, cerné, bloqué, par une bordée de gamins irlandais, qui, le prenant sans doute pour une place forte anglaise, l’attaquèrent en règle, en lui lançant une grêle de boules de neige.
Le bombardement dura un bon quart-d’heure.
Georges, pris à l’improviste, ne savait trop que faire. Les murs qui protégeaient la place n’étaient pas une garantie suffisante contre la pluie de boulets que vomissaient les batteries irlandaises. De plus, des brèches s’ouvraient ça et là. La tour centrale — un superbe chapeau de castor — minée par les projectiles venait… patatrrr !… de s’abîmer sur le sol, et, qui plus est, les assiégés exaspérés demandaient à grands cris une imprudente sortie — laquelle, sans doute, eût tout gâté…
Telle était la situation !
C’était à en perdre la tête.
Notre héros n’en fit rien. Il eut la cyclopéenne énergie de confirmer les ardeurs belliqueuses de la garnison et ne brûla pas même une seule amorce pour se défendre, se contentant de toiser dédaigneusement ses ennemis du haut de ces cinq pieds huit pouces.
Cela lui réussit. Les assiégeants, voyant la bonne tenue de la garnison et craignant que le siége ne vînt à traîner en longueur, décampèrent honteusement sans tambours ni trompettes, abandonnant tout leur matériel d’artillerie au pouvoir du vainqueur.
Hein ! qu’en pensez-vous ? Vous faut-il d’autres preuves après cette surhumaine preuve ? Non, non ; concluons bien vite que George Labrosse est doué d’une énergie d’enfer.
Au moment où nous le mettons en scène, Georges Labrosse a vingt ans.
Il vient de terminer, au Séminaire de Québec, des études qui n’ont été ni brillantes, ni mauvaises : — ce qu’on est convenu d’appeler de bonnes études.
N’ayant pas eu de velléités pour la prêtrise, Georges est libre de choisir l’état de vie qui lui plaira le mieux. L’horizon vaste infini — l’horizon féérique où vont s’abattre nos aspirations, à vingt ans — s’arrondit devant lui, par de tout nuage. Aucune entrave ne gêne ses mouvements ! aucune chaîne ne lie son cœur ! aucun obstacle ne se montre sur la route large, saturée de tous les parfums, qui s’ouvre et se déroule sous ses pieds, à mesure qu’il fait un pas en avant.
Que faut-il pour réussir dans le monde ?
Quatre choses : de l’argent, de l’instruction, de l’énergie et du génie pour la spécialité à laquelle on se destine.
C’est bien ! ces quatre choses indispensables au succès d’une entreprise sérieuse quelconque, notre héros les possède toutes à un haut degré.
Voyons plutôt.
Son père, en mourant, lui a laissé deux milles piastres de revenu : — ce qui suppose, comme vous voyez, une fortune assez ronde pour capital.
Donc Georges a de l’argent.
Et d’une !
Poursuivons notre examen.
Les études que notre héros a faites au Séminaire, de Québec — bien que pouvant être surpassées — représentent, il faut l’avouer, une somme assez respectable de connaissances ; et, à moins de faire injure à l’institution où il s’est formé, on ne peut refuser à notre ami Labrosse une instruction capable d’être un bon élément de succès dans les occupations ordinaires de la vie. D’ailleurs pour surcroît de preuve — il a pâti, pendant plusieurs années, sur de vieux livres latins et grecs : le quos ego ne l’effraie pas plus que rosa, rosæ ; tous les alphas et les omegas du monde rangés en bataille ou déployés en tirailleurs, ne lui feraient pas trembler un muscle. Surabondamment, il a une teinte de pottountacais et possède un soupçon de zolof.
Donc, nous sommes tous d’accord pour bombarder Georges… instruit.
Et de deux !
Tâchons maintenant de lui trouver de l’énergie.
Nous n’avons pas besoin d’aller bien loin, ni de faire de longues phrases, pour prouver l’existence de cette faculté dans l’âme de notre héros. Prenons, au hasard, un exemple dans sa vie privée.
Un jour qu’il flânait sur la Plate-Forme, bâillant aux… oiseaux blancs (c’était en mars), Georges, alors grand garçon de dix-huit ans, fut insulté, cerné, bloqué, par une bordée de gamins irlandais, qui, le prenant sans doute pour une place forte anglaise, l’attaquèrent en règle, en lui lançant une grêle de boules de neige.
Le bombardement dura un bon quart-d’heure.
Georges, pris à l’improviste, ne savait trop que faire. Les murs qui protégeaient la place n’étaient pas une garantie suffisante contre la pluie de boulets que vomissaient les batteries irlandaises. De plus, des brèches s’ouvraient ça et là. La tour centrale — un superbe chapeau de castor — minée par les projectiles venait… patatrrr !… de s’abîmer sur le sol, et, qui plus est, les assiégés exaspérés demandaient à grands cris une imprudente sortie — laquelle, sans doute, eût tout gâté…
Telle était la situation !
C’était à en perdre la tête.
Notre héros n’en fit rien. Il eut la cyclopéenne énergie de confirmer les ardeurs belliqueuses de la garnison et ne brûla pas même une seule amorce pour se défendre, se contentant de toiser dédaigneusement ses ennemis du haut de ces cinq pieds huit pouces.
Cela lui réussit. Les assiégeants, voyant la bonne tenue de la garnison et craignant que le siége ne vînt à traîner en longueur, décampèrent honteusement sans tambours ni trompettes, abandonnant tout leur matériel d’artillerie au pouvoir du vainqueur.
Hein ! qu’en pensez-vous ? Vous faut-il d’autres preuves après cette surhumaine preuve ? Non, non ; concluons bien vite que George Labrosse est doué d’une énergie d’enfer.