Une Légende de Montrose

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Une Légende de Montrose by Walter Scott, GILBERT TEROL
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Author: Walter Scott ISBN: 1230002801339
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 6, 2018
Imprint: Language: French
Author: Walter Scott
ISBN: 1230002801339
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 6, 2018
Imprint:
Language: French

La route en cet endroit devint si étroite et tellement difficile, que les voyageurs furent obligés d’interrompre leur conversation ; lord Menteith, retenant son cheval en arrière, eut pendant un moment un entretien particulier avec ses domestiques. Le capitaine, qui formait alors l’avant-garde de la petite troupe, après environ un quart de mille d’une marche lente et pénible dans une montée âpre et raboteuse, entra dans une vallée montagneuse, arrosée par un ruisseau ; ses bords verdoyants étaient assez larges pour permettre aux voyageurs de poursuivre leur route d’une manière plus agréable. Aussi lord Menteith reprit-il la conversation qui avait été suspendue par les obstacles du chemin.

« J’aurais pensé, dit-il au capitaine Dalgetty, qu’un cavalier de votre mérite, qui a si long-temps suivi le vaillant roi de Suède, et conçu un mépris si juste pour les vils et mercantiles États de Hollande, n’aurait pas hésité à embrasser la cause du roi Charles, de préférence à celle de ces hommes de basse naissance, de ces brigands hypocrites en rébellion contre son autorité. — Vous parlez raisonnablement, milord, et cœteris paribus, je serais engagé à voir la chose sous le même jour. Mais un proverbe anglais dit : Belles paroles ne mettent pas de beurre dans les panais. J’en ai appris assez depuis que je suis arrivé dans ce pays, pour savoir qu’un honorable cavalier peut prendre, dans ces discordes civiles, le parti qu’il trouve le plus convenable à son intérêt particulier. Loyauté est votre mot d’ordre, milord. Liberté ! s’écrie un autre du côté opposé de la rivière. Le roi ! crie l’un ; le parlement ! crie l’autre. Montrose pour toujours ! crie Donald agitant son bonnet. Argyle et Leven ! crie un Saunders du midi, faisant le fier avec son chapeau et son panache. Combattez pour les évêques, dit un prêtre avec son camail et son rochet. Restez fermes pour l’Église d’Écosse, crie un ministre avec son bonnet et son rabat de Genève. Tous bons mots d’ordre, excellents mots d’ordre. Quelle cause est la meilleure, je ne puis le dire. Mais je suis sûr que j’ai plusieurs fois combattu, dans le sang jusqu’aux genoux, pour une cause dix fois pire que la plus mauvaise des deux. — Et veuillez me répondre, capitaine Dalgetty : puisque les prétentions des deux partis vous semblent également justes, quelles circonstances pourront déterminer votre préférence ? — Simplement deux considérations, milord. La première, de quel côté mes services m’assureront le grade le plus honorable ; et la seconde, qui n’en est qu’un corollaire, dans quel parti ils seront probablement le plus rétribués. Et pour être tout-à-fait franc avec vous, mon opinion sur ces deux points incline plutôt du côté du parlement ? — Vos raisons, s’il vous plaît, dit Menteith, et je serai peut-être à même de leur en opposer d’autres qui seront plus puissantes. — Milord, je suis docile à de bonnes raisons, pourvu qu’elles s’adressent à mon honneur et à mon intérêt. Eh bien donc, milord, voici, je suppose, une espèce d’armée des Highlands assemblée, ou qu’on va rassembler dans ces montagnes sauvages pour servir le roi. Or, vous connaissez le caractère des Highlanders : je ne nierai pas que ce ne soit un peuple fort de corps et vaillant du cœur, et assez courageux dans sa farouche manière de combattre, qui est aussi éloignée des usages et de la discipline de la guerre que l’était autrefois celle des anciens Scythes, ou que l’est maintenant celle des sauvages Indiens de l’Amérique. Ils n’ont pas même un fifre allemand ou un tambour, pour battre une marche, la générale, la charge, la retraite, la diane, le rappel, ou toute autre batterie ; et leurs diables de cornemuses criardes, qu’eux seuls prétendent comprendre, sont tout-à-fait inintelligibles pour les oreilles de tout cavalier accoutumé à faire la guerre chez les nations civilisées. Ainsi, si j’entreprenais de discipliner ces hordes sans culottes, il me serait impossible de me faire entendre. Et si j’étais compris, je vous en fais juge, milord, quelle chance aurais-je de me faire obéir par une bande d’hommes à moitié sauvages, qui sont habitués à payer aveuglément à leurs lairds et à leurs chefs ce respect et cette obéissance qu’ils devraient payer à des officiers commissionnés. Si je leur enseignais à se mettre en bataille par l’extraction de la racine carrée, c’est-à-dire à former leur bataillon carré d’un nombre d’hommes égal à la racine carrée de leur nombre total, que pourrais-je attendre en retour pour leur avoir communiqué ces divins trésors de la tactique militaire, si ce n’est de recevoir un coup de dirk dans le ventre, pour avoir placé quelque Mac Alister More, quelque Mac Shemei ou Mac Caperfae, sur le flanc ou à l’arrière, lorsqu’il demandait à être sur le front ? En vérité, l’Écriture sainte a bien raison lorsqu’elle dit : « Si vous jetez des perles devant des pourceaux, ils se retourneront contre vous et vous déchireront. — Je pense, Anderson, » dit lord Menteith en se retournant pour regarder un de ses domestiques, qui marchaient tous deux derrière lui, » que vous pouvez assurer à ce gentilhomme que si nous avons besoin d’officiers expérimentés, nous sommes plus disposés à profiter de leurs connaissances qu’il ne semble le croire. — Avec la permission de Votre Seigneurie, » dit Anderson en ôtant respectueusement son bonnet, « lorsque nous serons rejoints par l’infanterie irlandaise qu’on attend et qui devrait être débarquée, nous aurons besoin de bons officiers pour discipliner nos recrues.

— Et j’aimerais beaucoup, oui, beaucoup, à être engagé dans un tel service, dit Dalgetty ; les Irlandais sont de braves gens, de fort braves gens, je n’en demanderais pas de meilleurs sur un champ de bataille. J’ai vu une fois une brigade d’Irlandais, à la prise de Francfort-sur-l’Oder, épée et pique en main, repousser les brigades suédoises bleues et jaunes, qui avaient cependant la réputation d’être aussi braves que les meilleures de l’armée de l’immortel Gustave ; et quoique le vaillant Hephurn, le brave Lumsdale, le courageux Monroe, avec d’autres cavaliers et moi, nous nous fussions fait jour à la pointe de la lance, toujours est-il que si nous avons rencontré partout une telle résistance, nous nous serions retirés avec une grande perte et peu de profit. Néanmoins ces braves Irlandais, quoique tous passés au fil de l’épée, comme c’est l’usage en pareil cas, n’en acquirent pas moins un honneur et une gloire immortelle ; aussi, en leur souvenir, est-ce toujours les soldats de cette nation que j’ai le plus honorés et le plus aimés après ceux de l’Écosse ma patrie.

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La route en cet endroit devint si étroite et tellement difficile, que les voyageurs furent obligés d’interrompre leur conversation ; lord Menteith, retenant son cheval en arrière, eut pendant un moment un entretien particulier avec ses domestiques. Le capitaine, qui formait alors l’avant-garde de la petite troupe, après environ un quart de mille d’une marche lente et pénible dans une montée âpre et raboteuse, entra dans une vallée montagneuse, arrosée par un ruisseau ; ses bords verdoyants étaient assez larges pour permettre aux voyageurs de poursuivre leur route d’une manière plus agréable. Aussi lord Menteith reprit-il la conversation qui avait été suspendue par les obstacles du chemin.

« J’aurais pensé, dit-il au capitaine Dalgetty, qu’un cavalier de votre mérite, qui a si long-temps suivi le vaillant roi de Suède, et conçu un mépris si juste pour les vils et mercantiles États de Hollande, n’aurait pas hésité à embrasser la cause du roi Charles, de préférence à celle de ces hommes de basse naissance, de ces brigands hypocrites en rébellion contre son autorité. — Vous parlez raisonnablement, milord, et cœteris paribus, je serais engagé à voir la chose sous le même jour. Mais un proverbe anglais dit : Belles paroles ne mettent pas de beurre dans les panais. J’en ai appris assez depuis que je suis arrivé dans ce pays, pour savoir qu’un honorable cavalier peut prendre, dans ces discordes civiles, le parti qu’il trouve le plus convenable à son intérêt particulier. Loyauté est votre mot d’ordre, milord. Liberté ! s’écrie un autre du côté opposé de la rivière. Le roi ! crie l’un ; le parlement ! crie l’autre. Montrose pour toujours ! crie Donald agitant son bonnet. Argyle et Leven ! crie un Saunders du midi, faisant le fier avec son chapeau et son panache. Combattez pour les évêques, dit un prêtre avec son camail et son rochet. Restez fermes pour l’Église d’Écosse, crie un ministre avec son bonnet et son rabat de Genève. Tous bons mots d’ordre, excellents mots d’ordre. Quelle cause est la meilleure, je ne puis le dire. Mais je suis sûr que j’ai plusieurs fois combattu, dans le sang jusqu’aux genoux, pour une cause dix fois pire que la plus mauvaise des deux. — Et veuillez me répondre, capitaine Dalgetty : puisque les prétentions des deux partis vous semblent également justes, quelles circonstances pourront déterminer votre préférence ? — Simplement deux considérations, milord. La première, de quel côté mes services m’assureront le grade le plus honorable ; et la seconde, qui n’en est qu’un corollaire, dans quel parti ils seront probablement le plus rétribués. Et pour être tout-à-fait franc avec vous, mon opinion sur ces deux points incline plutôt du côté du parlement ? — Vos raisons, s’il vous plaît, dit Menteith, et je serai peut-être à même de leur en opposer d’autres qui seront plus puissantes. — Milord, je suis docile à de bonnes raisons, pourvu qu’elles s’adressent à mon honneur et à mon intérêt. Eh bien donc, milord, voici, je suppose, une espèce d’armée des Highlands assemblée, ou qu’on va rassembler dans ces montagnes sauvages pour servir le roi. Or, vous connaissez le caractère des Highlanders : je ne nierai pas que ce ne soit un peuple fort de corps et vaillant du cœur, et assez courageux dans sa farouche manière de combattre, qui est aussi éloignée des usages et de la discipline de la guerre que l’était autrefois celle des anciens Scythes, ou que l’est maintenant celle des sauvages Indiens de l’Amérique. Ils n’ont pas même un fifre allemand ou un tambour, pour battre une marche, la générale, la charge, la retraite, la diane, le rappel, ou toute autre batterie ; et leurs diables de cornemuses criardes, qu’eux seuls prétendent comprendre, sont tout-à-fait inintelligibles pour les oreilles de tout cavalier accoutumé à faire la guerre chez les nations civilisées. Ainsi, si j’entreprenais de discipliner ces hordes sans culottes, il me serait impossible de me faire entendre. Et si j’étais compris, je vous en fais juge, milord, quelle chance aurais-je de me faire obéir par une bande d’hommes à moitié sauvages, qui sont habitués à payer aveuglément à leurs lairds et à leurs chefs ce respect et cette obéissance qu’ils devraient payer à des officiers commissionnés. Si je leur enseignais à se mettre en bataille par l’extraction de la racine carrée, c’est-à-dire à former leur bataillon carré d’un nombre d’hommes égal à la racine carrée de leur nombre total, que pourrais-je attendre en retour pour leur avoir communiqué ces divins trésors de la tactique militaire, si ce n’est de recevoir un coup de dirk dans le ventre, pour avoir placé quelque Mac Alister More, quelque Mac Shemei ou Mac Caperfae, sur le flanc ou à l’arrière, lorsqu’il demandait à être sur le front ? En vérité, l’Écriture sainte a bien raison lorsqu’elle dit : « Si vous jetez des perles devant des pourceaux, ils se retourneront contre vous et vous déchireront. — Je pense, Anderson, » dit lord Menteith en se retournant pour regarder un de ses domestiques, qui marchaient tous deux derrière lui, » que vous pouvez assurer à ce gentilhomme que si nous avons besoin d’officiers expérimentés, nous sommes plus disposés à profiter de leurs connaissances qu’il ne semble le croire. — Avec la permission de Votre Seigneurie, » dit Anderson en ôtant respectueusement son bonnet, « lorsque nous serons rejoints par l’infanterie irlandaise qu’on attend et qui devrait être débarquée, nous aurons besoin de bons officiers pour discipliner nos recrues.

— Et j’aimerais beaucoup, oui, beaucoup, à être engagé dans un tel service, dit Dalgetty ; les Irlandais sont de braves gens, de fort braves gens, je n’en demanderais pas de meilleurs sur un champ de bataille. J’ai vu une fois une brigade d’Irlandais, à la prise de Francfort-sur-l’Oder, épée et pique en main, repousser les brigades suédoises bleues et jaunes, qui avaient cependant la réputation d’être aussi braves que les meilleures de l’armée de l’immortel Gustave ; et quoique le vaillant Hephurn, le brave Lumsdale, le courageux Monroe, avec d’autres cavaliers et moi, nous nous fussions fait jour à la pointe de la lance, toujours est-il que si nous avons rencontré partout une telle résistance, nous nous serions retirés avec une grande perte et peu de profit. Néanmoins ces braves Irlandais, quoique tous passés au fil de l’épée, comme c’est l’usage en pareil cas, n’en acquirent pas moins un honneur et une gloire immortelle ; aussi, en leur souvenir, est-ce toujours les soldats de cette nation que j’ai le plus honorés et le plus aimés après ceux de l’Écosse ma patrie.

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