Histoire de dix ans (1830-1840) Tome I et II

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book Histoire de dix ans (1830-1840) Tome I et II by LOUIS BLANC, GILBERT TEROL
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Author: LOUIS BLANC ISBN: 1230001676136
Publisher: GILBERT TEROL Publication: May 11, 2017
Imprint: Language: French
Author: LOUIS BLANC
ISBN: 1230001676136
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: May 11, 2017
Imprint:
Language: French

Présentation de l’éditeur :

Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relue et corrigé.

Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.

Extrait :

C’est par le souvenir d’une catastrophe que s’ouvrira ce récit. Car telle est l’obscurité qui couvre le principe des choses, qu’à leur commencement se mêle toujours pour nous l’idée de la décadence. Pour entrer dans l’histoire, il nous faut passer à travers des ruines.

À ces trois noms Napoléon, Alexandre, Charles X, quels noms répondent aujourd’hui ? Sainte-Hélène, Tangarock, Holyrood. Lorsqu’Alexandre avait poussé à la chute de Napoléon pour couronner le frère de Charles X, il n’avait donc fait que préparer une chute nouvelle : il était intervenu entre deux grands désastres. Et, pour cela, il avait fallu remuer le monde !

Dans cette succession non interrompue de calamités, qui se nomme l’histoire, que sont tous ces triomphateurs fameux, que sont tous ces fiers distributeurs d’empire ? Le peu qu’ils pèsent se voit mieux encore à leurs prospérités qu’à leurs revers. Le dix-neuvième siècle nous montre un monarque plus malheureux, plus humilié que Charles X. Et ce monarque, c’est l’empereur Alexandre, sans qui Charles X n’aurait jamais régné.

La puissance de cet empereur était grande, assurément, et formidable.

Il avait conduit la paix de capitale en capitale. Il avait gouverné souverainement les congrès et présidé des assemblées de rois. Il lui fut même donné de voir pâlir devant sa fortune celle d’un homme supérieur à César. Eh bien, il semblait qu’il n’eût été élevé si haut que pour mieux donner sa faiblesse en spectacle. Dévoré de mélancolie, il visita de lointains pays sans pouvoir s’éviter, et se mêla, pour étourdir ses vagues douleurs, à toutes les agitations de son temps. À Paris, où l’avait poussé le sort des batailles, on le vit surpris et presque effrayé de la grandeur de son destin, et il reprit la route de ses états, tout plein de la tristesse de ses triomphes. Pourquoi cette tristesse était-elle devenue si poignante sur la fin de sa vie ? Qu’avait-il à s’agenouiller le soir au fond des cimetières ? Quelles pensées le poursuivaient dans les promenades solitaires de Czarskoë-Selo ? La mort tragique de Paul Ier avait-elle laissé dans son esprit troublé quel qu’ineffaçable image ? On le crut. Peut-être ne faisait-il que succomber à ce dégoût de la vie, maladie morale que Dieu envoie aux puissants, pour venger de leurs souffrances physiques les faibles et les petits ! Il était allé déjà depuis quelques temps loin de son pays, qu’il fuyait, lorsqu’un jour, pendant que sa mère priait pour lui dans la cathédrale de Saint-Pétersbourg, on apprit l’arrivée d’un courrier vêtu de noir. Le métropolitain entra dans l’église, portant un Christ couvert d’un crêpe, et on se mit à chanter comme pour les morts. Le fondateur de la sainte-alliance, le pacificateur armé de l’Europe, l’homme par qui avait été terrassé dans Napoléon le double génie de la guerre et de la France, l’empereur Alexandre n’était plus.

Chose bonne à méditer ! Des deux hommes qui, à Tilsitt, s’étaient partagé le monde, l’un est mort loin de son pays, dans une contrée sauvage où il s’était réfugié, lassé des humains, de la nature et de lui-même. L’autre, écrasé sous sa toute-puissance, s’est éteint lentement au milieu des mers. Ils s’ingèrent à disposer des peuples, et ne peuvent jusqu’au bout disposer d’eux-mêmes. Ceci est une religieuse leçon d’égalité.

Au reste, les événements se suivent d’une manière beaucoup plus logique qu’on ne serait tenté de le croire, à voir combien les gouvernements sont instables et les hommes fragiles.

Ainsi, depuis le jour où l’Assemblée constituante avait enregistré les conquêtes de la bourgeoisie en France, que de variations dans la politique ! Que de changements ! Que de secousses ! Que de modifications inattendues violemment introduites dans le pouvoir ! Et pourtant, la bourgeoisie, en 1815, reparaît sur la scène, prête à continuer l’œuvre à peine interrompue de 89.

Dans un livre qui doit se lier à celui que je publie en ce moment, et qui servira à l’expliquer, j’ai dit comment la bourgeoisie s’était développée en France. Je l’ai représentée arrivant à la jouissance de la liberté civile par les communes, à l’indépendance religieuse par le parlement, à la richesse par les jurandes et les maîtrises, à la puissance politique par les états-généraux. C’est à cette dernière phase de son développement que se rapporte la Restauration, pendant laquelle se sont préparés les éléments d’un nouveau règne.

Je me bornerai donc ici à montrer :

1° Que la chute de l’Empire et l’avènement de Louis XVIII étaient dans l’intérêt et ont été le fait de la bourgeoisie ;

2° Que tous les mouvements politiques de la Restauration sont nés des efforts tentés par la bourgeoisie pour asservir la royauté sans la détruire.

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Présentation de l’éditeur :

Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relue et corrigé.

Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.

Extrait :

C’est par le souvenir d’une catastrophe que s’ouvrira ce récit. Car telle est l’obscurité qui couvre le principe des choses, qu’à leur commencement se mêle toujours pour nous l’idée de la décadence. Pour entrer dans l’histoire, il nous faut passer à travers des ruines.

À ces trois noms Napoléon, Alexandre, Charles X, quels noms répondent aujourd’hui ? Sainte-Hélène, Tangarock, Holyrood. Lorsqu’Alexandre avait poussé à la chute de Napoléon pour couronner le frère de Charles X, il n’avait donc fait que préparer une chute nouvelle : il était intervenu entre deux grands désastres. Et, pour cela, il avait fallu remuer le monde !

Dans cette succession non interrompue de calamités, qui se nomme l’histoire, que sont tous ces triomphateurs fameux, que sont tous ces fiers distributeurs d’empire ? Le peu qu’ils pèsent se voit mieux encore à leurs prospérités qu’à leurs revers. Le dix-neuvième siècle nous montre un monarque plus malheureux, plus humilié que Charles X. Et ce monarque, c’est l’empereur Alexandre, sans qui Charles X n’aurait jamais régné.

La puissance de cet empereur était grande, assurément, et formidable.

Il avait conduit la paix de capitale en capitale. Il avait gouverné souverainement les congrès et présidé des assemblées de rois. Il lui fut même donné de voir pâlir devant sa fortune celle d’un homme supérieur à César. Eh bien, il semblait qu’il n’eût été élevé si haut que pour mieux donner sa faiblesse en spectacle. Dévoré de mélancolie, il visita de lointains pays sans pouvoir s’éviter, et se mêla, pour étourdir ses vagues douleurs, à toutes les agitations de son temps. À Paris, où l’avait poussé le sort des batailles, on le vit surpris et presque effrayé de la grandeur de son destin, et il reprit la route de ses états, tout plein de la tristesse de ses triomphes. Pourquoi cette tristesse était-elle devenue si poignante sur la fin de sa vie ? Qu’avait-il à s’agenouiller le soir au fond des cimetières ? Quelles pensées le poursuivaient dans les promenades solitaires de Czarskoë-Selo ? La mort tragique de Paul Ier avait-elle laissé dans son esprit troublé quel qu’ineffaçable image ? On le crut. Peut-être ne faisait-il que succomber à ce dégoût de la vie, maladie morale que Dieu envoie aux puissants, pour venger de leurs souffrances physiques les faibles et les petits ! Il était allé déjà depuis quelques temps loin de son pays, qu’il fuyait, lorsqu’un jour, pendant que sa mère priait pour lui dans la cathédrale de Saint-Pétersbourg, on apprit l’arrivée d’un courrier vêtu de noir. Le métropolitain entra dans l’église, portant un Christ couvert d’un crêpe, et on se mit à chanter comme pour les morts. Le fondateur de la sainte-alliance, le pacificateur armé de l’Europe, l’homme par qui avait été terrassé dans Napoléon le double génie de la guerre et de la France, l’empereur Alexandre n’était plus.

Chose bonne à méditer ! Des deux hommes qui, à Tilsitt, s’étaient partagé le monde, l’un est mort loin de son pays, dans une contrée sauvage où il s’était réfugié, lassé des humains, de la nature et de lui-même. L’autre, écrasé sous sa toute-puissance, s’est éteint lentement au milieu des mers. Ils s’ingèrent à disposer des peuples, et ne peuvent jusqu’au bout disposer d’eux-mêmes. Ceci est une religieuse leçon d’égalité.

Au reste, les événements se suivent d’une manière beaucoup plus logique qu’on ne serait tenté de le croire, à voir combien les gouvernements sont instables et les hommes fragiles.

Ainsi, depuis le jour où l’Assemblée constituante avait enregistré les conquêtes de la bourgeoisie en France, que de variations dans la politique ! Que de changements ! Que de secousses ! Que de modifications inattendues violemment introduites dans le pouvoir ! Et pourtant, la bourgeoisie, en 1815, reparaît sur la scène, prête à continuer l’œuvre à peine interrompue de 89.

Dans un livre qui doit se lier à celui que je publie en ce moment, et qui servira à l’expliquer, j’ai dit comment la bourgeoisie s’était développée en France. Je l’ai représentée arrivant à la jouissance de la liberté civile par les communes, à l’indépendance religieuse par le parlement, à la richesse par les jurandes et les maîtrises, à la puissance politique par les états-généraux. C’est à cette dernière phase de son développement que se rapporte la Restauration, pendant laquelle se sont préparés les éléments d’un nouveau règne.

Je me bornerai donc ici à montrer :

1° Que la chute de l’Empire et l’avènement de Louis XVIII étaient dans l’intérêt et ont été le fait de la bourgeoisie ;

2° Que tous les mouvements politiques de la Restauration sont nés des efforts tentés par la bourgeoisie pour asservir la royauté sans la détruire.

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