Author: | EDWARD GIBBON | ISBN: | 1230001289909 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | July 26, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | EDWARD GIBBON |
ISBN: | 1230001289909 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | July 26, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
UN examen impartial, mais raisonné, des progrès importance et de l’établissement du christianisme, peut être regardé comme une partie très-essentielle de l’histoire de l’Empire romain. Tandis que la force ouverte et des principes cachés de décadence attaquent et minent à la fois ce grand corps, une religion humble et pure jette sans effort des racines dans l’esprit des hommes, croît au milieu du silence et de l’obscurité, tire de l’opposition une nouvelle vigueur, et arbore enfin sur les ruines du Capitole la bannière triomphante de la croix. Son influence ne se borne pas à la durée ni aux limites de l’empire ; après une révolution de treize ou quatorze siècles, cette religion est encore celle des nations de l’Europe qui ont surpassé tous les autres peuples de l’univers dans les arts, dans les sciences, aussi-bien que dans les armes : le zèle et l’industrie des Européens ont porté le christianisme sur les rivages les plus reculés de l’Asie et de l’Afrique ; et par le moyen de leurs colonies, il a été solidement établi depuis le Chili jusqu’au Canada, dans un monde inconnu aux anciens.
Quelles en sont les difficultés.
Un pareil examen serait sans doute utile et intéressant ; mais il se présente ici deux difficultés particulières. Les monumens suspects et imparfaits de l’histoire ecclésiastique nous mettent rarement en état d’écarter les nuages épais qui couvrent le berceau du christianisme. D’un autre côté, la grande loi de l’impartialité nous oblige trop souvent de révéler les imperfections de ceux des chrétiens, qui, sans être inspirés, prêchèrent ou embrassèrent l’Évangile. Aux yeux d’un observateur peu attentif leurs fautes sembleront peut-être jeter une ombre sur la foi qu’ils professaient ; mais le scandale du vrai fidèle et le triomphe imaginaire de l’impie cesseront, dès qu’ils se rappelleront, non-seulement par qui, mais encore à qui la révélation divine a été donnée. Le théologien peut se livrer au plaisir de représenter la religion descendant du ciel dans tout l’éclat de sa gloire, et environnée de sa pureté primitive. Une tâche plus triste est imposée à l’historien : il doit découvrir le mélange inévitable d’erreur et de corruption qu’a dû contracter la foi dans un long séjour parmi des êtres faibles et dégénérés.
Cinq causes d’accroissement du christianisme.
La curiosité nous porte à vouloir démêler les moyens qui ont assuré les succès étonnans du christianisme sur les religions établies alors dans l’univers : il est facile de la satisfaire par une réponse naturelle et décisive. Sans doute cette victoire est due à l’évidence convaincante de la doctrine elle-même et à la providence invariable de son grand auteur. Mais ne sait-on pas que la raison et la vérité trouvent rarement un accueil aussi favorable parmi les hommes ? Et puisque la sagesse de la Providence daigne souvent employer nos passions et les circonstances générales où se trouve le genre humain, comme des instrumens propres à l’exécution de ses vues, il peut aussi nous être permis de demander, avec toute la soumission convenable, non pas quelle fut la cause première des progrès rapides de l’Église chrétienne, mais quelles en ont été les causes secondes. Les cinq suivantes paraissent être celles qui ont favorisé son établissement de la manière la plus efficace. 1°. Le zèle inflexible, et, s’il nous est permis de le dire, intolérant des chrétiens ; zèle puisé, il est vrai, dans la religion juive, mais dégagé de cet esprit étroit et insociable, qui, loin d’inviter les gentils à embrasser la loi de Moïse, les en avait détournés. 2°. La doctrine d’une vie future, perfectionnée et accompagnée de tout ce qui pouvait donner du poids et de la force à cette vérité importante. 3°. Le don des miracles attribué à l’Église primitive. 4°. La morale pure et austère des fidèles. 5°. L’union et la discipline de la république chrétienne, qui forma par degrés, dans le sein de l’Empire romain, un état libre, dont la force devenait de jour en jour plus considérable.
Première cause. Zèle des Juifs.
I. Nous avons déjà fait connaître l’harmonie religieuse du monde ancien, et la facilité avec laquelle tant de nations si différentes, et même ennemies, avaient adopté, ou du moins respecté les superstitions les unes des autres. Un seul peuple refusa de souscrire à cet accord universel du genre humain. Les Juifs, qui sous la domination des Assyriens et des Perses, avaient langui pendant plusieurs siècles au rang des plus vils de leurs esclaves, sortirent tout à coup de l’obscurité lorsqu’ils furent soumis aux successeurs d’Alexandre ; et comme leur nombre s’augmenta avec une rapidité étonnante en Orient, et dans la suite en Occident, ils excitèrent bientôt la surprise et la curiosité des autres nations. Leur opiniâtreté invincible à conserver leurs cérémonies particulières, et leurs mœurs insociables, semblaient indiquer une espèce d’hommes qui professaient hardiment, ou qui déguisaient à peine une haine implacable contre le reste du genre humain. Ni la violence d’Antiochus, ni les artifices d’Hérode, ni l’exemple des nations circonvoisines ne purent jamais engager les Juifs à joindre aux institutions de Moïse la mythologie élégante des Grecs. Les Romains, attachés aux maximes d’une tolérance universelle, protégèrent une superstition qu’ils méprisaient. Auguste, si rempli de condescendance envers tous les sujets de son empire, daigna ordonner que l’on offrît des prières pour la prospérité de son règne dans le temple de Jérusalem ; tandis que le dernier des enfans d’Abraham serait devenu un objet d’horreur à ses propres yeux et à ceux de ses frères, s’il eût rendu le même hommage au Jupiter du Capitole. La modération des vainqueurs ne fut pas capable d’apaiser les préjuges inquiets d’un peuple alarmé et scandalisé à la vue des enseignes du paganisme qui devaient nécessairement s’introduire dans une province romaine. En vain Caligula voulut-il placer sa statue dans le temple ; ce projet insensé fut déjoué par la résolution unanime des habitans, qui redoutaient bien moins la mort qu’une profanation si impie.
Extrait :
UN examen impartial, mais raisonné, des progrès importance et de l’établissement du christianisme, peut être regardé comme une partie très-essentielle de l’histoire de l’Empire romain. Tandis que la force ouverte et des principes cachés de décadence attaquent et minent à la fois ce grand corps, une religion humble et pure jette sans effort des racines dans l’esprit des hommes, croît au milieu du silence et de l’obscurité, tire de l’opposition une nouvelle vigueur, et arbore enfin sur les ruines du Capitole la bannière triomphante de la croix. Son influence ne se borne pas à la durée ni aux limites de l’empire ; après une révolution de treize ou quatorze siècles, cette religion est encore celle des nations de l’Europe qui ont surpassé tous les autres peuples de l’univers dans les arts, dans les sciences, aussi-bien que dans les armes : le zèle et l’industrie des Européens ont porté le christianisme sur les rivages les plus reculés de l’Asie et de l’Afrique ; et par le moyen de leurs colonies, il a été solidement établi depuis le Chili jusqu’au Canada, dans un monde inconnu aux anciens.
Quelles en sont les difficultés.
Un pareil examen serait sans doute utile et intéressant ; mais il se présente ici deux difficultés particulières. Les monumens suspects et imparfaits de l’histoire ecclésiastique nous mettent rarement en état d’écarter les nuages épais qui couvrent le berceau du christianisme. D’un autre côté, la grande loi de l’impartialité nous oblige trop souvent de révéler les imperfections de ceux des chrétiens, qui, sans être inspirés, prêchèrent ou embrassèrent l’Évangile. Aux yeux d’un observateur peu attentif leurs fautes sembleront peut-être jeter une ombre sur la foi qu’ils professaient ; mais le scandale du vrai fidèle et le triomphe imaginaire de l’impie cesseront, dès qu’ils se rappelleront, non-seulement par qui, mais encore à qui la révélation divine a été donnée. Le théologien peut se livrer au plaisir de représenter la religion descendant du ciel dans tout l’éclat de sa gloire, et environnée de sa pureté primitive. Une tâche plus triste est imposée à l’historien : il doit découvrir le mélange inévitable d’erreur et de corruption qu’a dû contracter la foi dans un long séjour parmi des êtres faibles et dégénérés.
Cinq causes d’accroissement du christianisme.
La curiosité nous porte à vouloir démêler les moyens qui ont assuré les succès étonnans du christianisme sur les religions établies alors dans l’univers : il est facile de la satisfaire par une réponse naturelle et décisive. Sans doute cette victoire est due à l’évidence convaincante de la doctrine elle-même et à la providence invariable de son grand auteur. Mais ne sait-on pas que la raison et la vérité trouvent rarement un accueil aussi favorable parmi les hommes ? Et puisque la sagesse de la Providence daigne souvent employer nos passions et les circonstances générales où se trouve le genre humain, comme des instrumens propres à l’exécution de ses vues, il peut aussi nous être permis de demander, avec toute la soumission convenable, non pas quelle fut la cause première des progrès rapides de l’Église chrétienne, mais quelles en ont été les causes secondes. Les cinq suivantes paraissent être celles qui ont favorisé son établissement de la manière la plus efficace. 1°. Le zèle inflexible, et, s’il nous est permis de le dire, intolérant des chrétiens ; zèle puisé, il est vrai, dans la religion juive, mais dégagé de cet esprit étroit et insociable, qui, loin d’inviter les gentils à embrasser la loi de Moïse, les en avait détournés. 2°. La doctrine d’une vie future, perfectionnée et accompagnée de tout ce qui pouvait donner du poids et de la force à cette vérité importante. 3°. Le don des miracles attribué à l’Église primitive. 4°. La morale pure et austère des fidèles. 5°. L’union et la discipline de la république chrétienne, qui forma par degrés, dans le sein de l’Empire romain, un état libre, dont la force devenait de jour en jour plus considérable.
Première cause. Zèle des Juifs.
I. Nous avons déjà fait connaître l’harmonie religieuse du monde ancien, et la facilité avec laquelle tant de nations si différentes, et même ennemies, avaient adopté, ou du moins respecté les superstitions les unes des autres. Un seul peuple refusa de souscrire à cet accord universel du genre humain. Les Juifs, qui sous la domination des Assyriens et des Perses, avaient langui pendant plusieurs siècles au rang des plus vils de leurs esclaves, sortirent tout à coup de l’obscurité lorsqu’ils furent soumis aux successeurs d’Alexandre ; et comme leur nombre s’augmenta avec une rapidité étonnante en Orient, et dans la suite en Occident, ils excitèrent bientôt la surprise et la curiosité des autres nations. Leur opiniâtreté invincible à conserver leurs cérémonies particulières, et leurs mœurs insociables, semblaient indiquer une espèce d’hommes qui professaient hardiment, ou qui déguisaient à peine une haine implacable contre le reste du genre humain. Ni la violence d’Antiochus, ni les artifices d’Hérode, ni l’exemple des nations circonvoisines ne purent jamais engager les Juifs à joindre aux institutions de Moïse la mythologie élégante des Grecs. Les Romains, attachés aux maximes d’une tolérance universelle, protégèrent une superstition qu’ils méprisaient. Auguste, si rempli de condescendance envers tous les sujets de son empire, daigna ordonner que l’on offrît des prières pour la prospérité de son règne dans le temple de Jérusalem ; tandis que le dernier des enfans d’Abraham serait devenu un objet d’horreur à ses propres yeux et à ceux de ses frères, s’il eût rendu le même hommage au Jupiter du Capitole. La modération des vainqueurs ne fut pas capable d’apaiser les préjuges inquiets d’un peuple alarmé et scandalisé à la vue des enseignes du paganisme qui devaient nécessairement s’introduire dans une province romaine. En vain Caligula voulut-il placer sa statue dans le temple ; ce projet insensé fut déjoué par la résolution unanime des habitans, qui redoutaient bien moins la mort qu’une profanation si impie.