Jésus-Christ d'après Mahomet

Fiction & Literature, Religious
Cover of the book Jésus-Christ d'après Mahomet by EDOUARD SAYOUS, GILBERT TEROL
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Author: EDOUARD SAYOUS ISBN: 1230000213790
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 28, 2014
Imprint: Language: French
Author: EDOUARD SAYOUS
ISBN: 1230000213790
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 28, 2014
Imprint:
Language: French

Avant de chercher quels sont les éléments du christianisme que Mahomet a connus, il est nécessaire de chercher quels sont les éléments du christianisme qu’il a pu connaître, en d’autres termes quelle était la situation du christianisme en Arabie avant sa prétendue mission prophétique avant même les méditations, les voyages, les entretiens de sa jeunesse qui purent l’y préparer. Par la situation du christianisme nous entendons autre chose encore que la statistique, les revers ou les succès extérieurs de cette religion à l’état complet et officiel ; nous entendons aussi par là les infiltrations obscures de quelques idées chrétiennes, gâtées et difficiles à reconnaître, dans l’esprit de ceux qui n’étaient pas chrétiens : analyse souvent difficile, mais de la plus haute importance pour notre sujet, et qui produira peu à peu ses résultats d’un bout à l’autre du présent travail. Dans le tableau général que nous allons tracer, nous ne ferons qu’indiquer, en passant, les questions scripturaires et dogmatiques sur lesquelles reviendront les chapitres suivants.

Nous devons, avant tout, distinguer trois Arabies très-différentes, et dont la troisième seulement a eu un développement véritablement national : l’Arabie du Nord ; l’Arabie du Sud ; l’Arabie intermédiaire, c’est-à-dire le Nedjed, et le Hedjâz avec la Mecque, son centre religieux. Cette dernière a été la patrie de Mahomet, elle est donc la plus essentielle à étudier ; toutefois les courses rapides, le commerce, les guerres même de tribu à tribu amenaient des rapprochements d’idées, et contrebalançaient les résultats d’un manque complet de centralisation politique. L’Arabie Pétrée et l’Arabie Heureuse, comme on les a longtemps appelées en Europe, ont dû exercer, et ont exercé en effet, une influence religieuse assez directe sur l’Arabie vraiment arabe qui a donné naissance au Prophète, et qui déjà avant lui possédait le sanctuaire vénéré de la Kaaba. Nous devons donc nous occuper d’abord de l’extrémité septentrionale et de l’extrémité méridionale de la Péninsule, et ce que nous en aurons dit s’appliquera en grande partie à ce que nous dirons en terminant du milieu natal de Mahomet.

La Nabathée, le Hauran, les autres contrées du Nord étaient bien l’une des régions du monde que traversaient le plus grand nombre de courants religieux. Elles étaient comme le rendez-vous ou le carrefour de l’Égypte de la Syrie et de la Perse, des trois pays dont étaient sorties non seulement les grandes religions, mais les principales sectes des grandes religions. Surtout depuis les grandes querelles christologiques de l’Empire d’Orient, et depuis les crises fréquentes de la religion de Zoroastre, l’Arabie du Nord était l’un des refuges des sectaires vaincus, exaltés et aigris. Les plus importants par le nombre et par l’influence étaient certainement les Nestoriens, qui de là faisaient pénétrer leurs idées dans le reste de l’Arabie : idées qui du reste n’offraient pas un corps de doctrine uniforme, car il y a eu, aux différentes époques du Nestorianisme, les Nestoriens modérés[5] qui se bornaient à séparer rigoureusement la nature humaine de la nature divine en Jésus-Christ et à repousser le titre de Θεοτόϰος donné à la Vierge Marie par le concile d’Éphèse ; et les Nestoriens décidés qui allaient jusqu’à dire que Jésus était né sans rien de divin et que ses seules vertus lui avaient valu plus tard une union toute morale avec le Verbe. N’importe, les idées nestoriennes flottaient pour ainsi dire en Arabie, remplies d’amertume et d’accusations contre l’orthodoxie officielle, et il était presque impossible qu’un Arabe, païen de naissance, ne fût pas sous le coup des impressions nestoriennes le jour où il voudrait se rendre compte du christianisme : c’est ce qui est arrivé à Mahomet. D’ailleurs les Nestoriens étaient les plus répandus et les plus actifs des hommes, leurs missionnaires reculaient les limites du monde connu, et leurs écoles prenaient possession des esprits dans tous les pays qui les accueillaient, tels que le royaume des Perses, comme plus tard leurs médecins et leurs érudits devaient prendre possession de la cour des Khalifes.

Une tendance toute contraire, celle des monophysites qui absorbaient l’humanité de Jésus dans sa divinité et arrivaient même à nier qu’il eût habité un corps semblable au nôtre, rayonnait également de la Syrie sur l’Arabie, surtout depuis qu’elle avait été rajeunie par le moine énergique Jacques Baradaï, et avait reçu le nom de jacobitisme. Mais elle avait réussi surtout dans la vallée du Nil, et de là pénétré surtout dans l’Arabie du Sud et même du centre où nous retrouverons une de ses ramifications. Remarquons seulement dès maintenant que la tendance monophysite venait de produire peu de temps avant Mahomet, dans la seconde moitié du sixième siècle, une de ses plus singulières réactions, le trithéisme de Philoponus, dont quelque notion confuse a fort bien pu arriver jusqu’à la Mecque[7].

Antérieurement même à ces deux courants en sens inverse, Épiphane constate deux hérésies opposées sur la Vierge Marie, toutes deux parmi les chrétiens arabes. L’illustre évêque de Salamine, conformément aux idées dominantes vers la fin du quatrième siècle, regarde également comme hérétiques ceux qui vouent un culte à Marie et ceux qui nient sa virginité perpétuelle, les Collyridiennes et les Antidicomarianites. Il faut bien dire les Collyridiennes, car c’est d’une hérésie féminine qu’il s’agit, de femmes arabes qui adorent la Vierge et lui offrent des gâteaux : de là leur nom. Tous ces détails forment une introduction indispensable à l’étude des notions chrétiennes de Mahomet.

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Avant de chercher quels sont les éléments du christianisme que Mahomet a connus, il est nécessaire de chercher quels sont les éléments du christianisme qu’il a pu connaître, en d’autres termes quelle était la situation du christianisme en Arabie avant sa prétendue mission prophétique avant même les méditations, les voyages, les entretiens de sa jeunesse qui purent l’y préparer. Par la situation du christianisme nous entendons autre chose encore que la statistique, les revers ou les succès extérieurs de cette religion à l’état complet et officiel ; nous entendons aussi par là les infiltrations obscures de quelques idées chrétiennes, gâtées et difficiles à reconnaître, dans l’esprit de ceux qui n’étaient pas chrétiens : analyse souvent difficile, mais de la plus haute importance pour notre sujet, et qui produira peu à peu ses résultats d’un bout à l’autre du présent travail. Dans le tableau général que nous allons tracer, nous ne ferons qu’indiquer, en passant, les questions scripturaires et dogmatiques sur lesquelles reviendront les chapitres suivants.

Nous devons, avant tout, distinguer trois Arabies très-différentes, et dont la troisième seulement a eu un développement véritablement national : l’Arabie du Nord ; l’Arabie du Sud ; l’Arabie intermédiaire, c’est-à-dire le Nedjed, et le Hedjâz avec la Mecque, son centre religieux. Cette dernière a été la patrie de Mahomet, elle est donc la plus essentielle à étudier ; toutefois les courses rapides, le commerce, les guerres même de tribu à tribu amenaient des rapprochements d’idées, et contrebalançaient les résultats d’un manque complet de centralisation politique. L’Arabie Pétrée et l’Arabie Heureuse, comme on les a longtemps appelées en Europe, ont dû exercer, et ont exercé en effet, une influence religieuse assez directe sur l’Arabie vraiment arabe qui a donné naissance au Prophète, et qui déjà avant lui possédait le sanctuaire vénéré de la Kaaba. Nous devons donc nous occuper d’abord de l’extrémité septentrionale et de l’extrémité méridionale de la Péninsule, et ce que nous en aurons dit s’appliquera en grande partie à ce que nous dirons en terminant du milieu natal de Mahomet.

La Nabathée, le Hauran, les autres contrées du Nord étaient bien l’une des régions du monde que traversaient le plus grand nombre de courants religieux. Elles étaient comme le rendez-vous ou le carrefour de l’Égypte de la Syrie et de la Perse, des trois pays dont étaient sorties non seulement les grandes religions, mais les principales sectes des grandes religions. Surtout depuis les grandes querelles christologiques de l’Empire d’Orient, et depuis les crises fréquentes de la religion de Zoroastre, l’Arabie du Nord était l’un des refuges des sectaires vaincus, exaltés et aigris. Les plus importants par le nombre et par l’influence étaient certainement les Nestoriens, qui de là faisaient pénétrer leurs idées dans le reste de l’Arabie : idées qui du reste n’offraient pas un corps de doctrine uniforme, car il y a eu, aux différentes époques du Nestorianisme, les Nestoriens modérés[5] qui se bornaient à séparer rigoureusement la nature humaine de la nature divine en Jésus-Christ et à repousser le titre de Θεοτόϰος donné à la Vierge Marie par le concile d’Éphèse ; et les Nestoriens décidés qui allaient jusqu’à dire que Jésus était né sans rien de divin et que ses seules vertus lui avaient valu plus tard une union toute morale avec le Verbe. N’importe, les idées nestoriennes flottaient pour ainsi dire en Arabie, remplies d’amertume et d’accusations contre l’orthodoxie officielle, et il était presque impossible qu’un Arabe, païen de naissance, ne fût pas sous le coup des impressions nestoriennes le jour où il voudrait se rendre compte du christianisme : c’est ce qui est arrivé à Mahomet. D’ailleurs les Nestoriens étaient les plus répandus et les plus actifs des hommes, leurs missionnaires reculaient les limites du monde connu, et leurs écoles prenaient possession des esprits dans tous les pays qui les accueillaient, tels que le royaume des Perses, comme plus tard leurs médecins et leurs érudits devaient prendre possession de la cour des Khalifes.

Une tendance toute contraire, celle des monophysites qui absorbaient l’humanité de Jésus dans sa divinité et arrivaient même à nier qu’il eût habité un corps semblable au nôtre, rayonnait également de la Syrie sur l’Arabie, surtout depuis qu’elle avait été rajeunie par le moine énergique Jacques Baradaï, et avait reçu le nom de jacobitisme. Mais elle avait réussi surtout dans la vallée du Nil, et de là pénétré surtout dans l’Arabie du Sud et même du centre où nous retrouverons une de ses ramifications. Remarquons seulement dès maintenant que la tendance monophysite venait de produire peu de temps avant Mahomet, dans la seconde moitié du sixième siècle, une de ses plus singulières réactions, le trithéisme de Philoponus, dont quelque notion confuse a fort bien pu arriver jusqu’à la Mecque[7].

Antérieurement même à ces deux courants en sens inverse, Épiphane constate deux hérésies opposées sur la Vierge Marie, toutes deux parmi les chrétiens arabes. L’illustre évêque de Salamine, conformément aux idées dominantes vers la fin du quatrième siècle, regarde également comme hérétiques ceux qui vouent un culte à Marie et ceux qui nient sa virginité perpétuelle, les Collyridiennes et les Antidicomarianites. Il faut bien dire les Collyridiennes, car c’est d’une hérésie féminine qu’il s’agit, de femmes arabes qui adorent la Vierge et lui offrent des gâteaux : de là leur nom. Tous ces détails forment une introduction indispensable à l’étude des notions chrétiennes de Mahomet.

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