Jim l’Indien

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Jim l’Indien by Aimard Gustave, YADE
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Author: Aimard Gustave ISBN: 1230001621303
Publisher: YADE Publication: April 3, 2017
Imprint: Language: French
Author: Aimard Gustave
ISBN: 1230001621303
Publisher: YADE
Publication: April 3, 2017
Imprint:
Language: French

sur l’eau

 

Par une brûlante journée du mois d’août 1862, un petit steamer sillonnait paisiblement les eaux brunes du Minnesota. On pouvait voir entassés, pêle-mêle sur le pont, hommes, femmes, enfants, caisses, malles, paquets, et les mille inutilités indispensables à l’émigrant, au voyageur.

Les bordages du paquebot étaient couronnés d’une galerie mouvante de têtes agitées, qui toutes se penchaient curieusement pour mieux voir la contrée nouvelle qu’on allait traverser.

Dans cette foule aventureuse il y avait les types les plus variées : le spéculateur froid et calculateur dont les yeux brillaient d’admiration lorsqu’ils rencontraient la grasse prairie au riche aspect, et les splendides forêts bordant le fleuve ; le Français vif et animé ; l’Anglais au visage solennel ; le pensif et flegmatique Allemand ; l’Écossais à la mine résolue, aux vêtements bariolés de jaune ; l’Africain à peau d’ébène, une marchandise de contrebande, comme on dit maintenant ; — tous les éléments d’un monde en miniature s’agitaient dans l’étroit navire, et avec eux, passions, projets, haines, amours, vices et vertus.

Sur l’avant se tenaient deux individus paraissant tout particulièrement sensibles aux beautés du glorieux paysage déployé sous leurs yeux.

Le premier était un jeune homme de haute taille, dont les regards exprimaient une incommensurable confiance en lui-même. Un large Panama ombrageait coquettement sa tête ; un foulard blanc, suspendu avec une savante négligence derrière le chapeau pour abriter le cou contre les ardeurs du soleil, ondulait moëlleusement au gré du zéphir ; une orgueilleuse chaîne d’or chargée de breloques s’étalait, fulgurante, sur son gilet ; ses mains, gantées finement, étaient plongées dans les poches d’un léger et adorable paletot en coutil blanc comme la neige.

Il portait sous le bras droit un assez grand portefeuille rempli d’esquisses artistiques et de croquis exécutés d’après nature, au vol de la vapeur.

Ce beau jeune homme, si aristocratique, se nommait M. Adolphus Halleck, dessinateur paysagiste, qui remontait le Minnesota dans le but d’enrichir sa collection de vues pittoresques.

Les glorieux travaux de Bierstadt sur les paysages et les mœurs des Montagnes-Rocheuses avait rempli d’émulation le jeune peintre ; il brûlait du désir de visiter, d’observer avec soin les Hautes Terres de l’Ouest, et de recuellir une ample moisson d’études sur les nobles montagnes, les plaines majestueuses, les lacs, les cataractes, les fleuves, les chasses, les tribus sauvages de ces territoires fantastiques.

Il était beau garçon, son visage un peu pâle, coloré sur les joues, d’un ovale distingué annonçait une complexion délicate mais aristocratique. On n’aurait pu le considérer comme un gandin, cependant il affichait de grandes prétentions à l’élégance, et possédait au grand complet les qualités sterling d’un gentleman.

La jeune lady qui était proche de sir Halleck, était une charmante créature, aux yeux animés, aux traits réguliers et gracieux, mais pétillants d’une expression malicieuse. Évidemment c’était un de ces esprits actifs, piquants, dont la saveur bizarre et originale les destinent à servir d’épices dans l’immense ragoût de la société.

Miss Maria Allondale était cousine de sir Adolphus Halleck.

— Oui, Maria, disait ce dernier, en regardant par-dessus la tête de la jeune fille, les rivages fuyant à toute vapeur oui, lorsque je reviendrai à la fin de l’automne, j’aurai collectionné assez de croquis et d’études pour m’occuper ensuite pendant une demi-douzaine d’années.

– Je suppose que les paysages environnants vous paraissent indignes des efforts de votre pinceau, répliqua la jeune fille en clignant les yeux.

— Je ne dis pas précisément cela ; tenez, voici un effet de rivage assez correct ; j’en ai vu de semblables à l’Académie. Si seulement il y avait là un groupe convenable d’Indiens pour garnir le second plan, ça ferait un tableau, oui. 

— Vous avez donc conservé vos vieilles amours pour les sauvages ?

— Parfaitement. Ils ont toujours fait mon admiration, depuis le premier jour où, dans mon enfance, j’ai dévoré les intéressantes légendes de Bas-de-Cuir : j’ai toujours eu soif de les voir face à face, dans leur solitude native, au milieu des calmes montagnes où la nature est sereine, dans leur pureté de race primitive, exempte du contact des Blancs.

— Oh ciel ! quel enthousiasme ! vous ne manquerez pas d’occasions, soyez-en sûr ; vous pourrez rassasier votre « soif » d’hommes Rouges ! seulement, permettez-moi de vous dire que ces poétiques visions s’évanouiront plus promptement que l’écume de ces eaux bouillonnantes.

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sur l’eau

 

Par une brûlante journée du mois d’août 1862, un petit steamer sillonnait paisiblement les eaux brunes du Minnesota. On pouvait voir entassés, pêle-mêle sur le pont, hommes, femmes, enfants, caisses, malles, paquets, et les mille inutilités indispensables à l’émigrant, au voyageur.

Les bordages du paquebot étaient couronnés d’une galerie mouvante de têtes agitées, qui toutes se penchaient curieusement pour mieux voir la contrée nouvelle qu’on allait traverser.

Dans cette foule aventureuse il y avait les types les plus variées : le spéculateur froid et calculateur dont les yeux brillaient d’admiration lorsqu’ils rencontraient la grasse prairie au riche aspect, et les splendides forêts bordant le fleuve ; le Français vif et animé ; l’Anglais au visage solennel ; le pensif et flegmatique Allemand ; l’Écossais à la mine résolue, aux vêtements bariolés de jaune ; l’Africain à peau d’ébène, une marchandise de contrebande, comme on dit maintenant ; — tous les éléments d’un monde en miniature s’agitaient dans l’étroit navire, et avec eux, passions, projets, haines, amours, vices et vertus.

Sur l’avant se tenaient deux individus paraissant tout particulièrement sensibles aux beautés du glorieux paysage déployé sous leurs yeux.

Le premier était un jeune homme de haute taille, dont les regards exprimaient une incommensurable confiance en lui-même. Un large Panama ombrageait coquettement sa tête ; un foulard blanc, suspendu avec une savante négligence derrière le chapeau pour abriter le cou contre les ardeurs du soleil, ondulait moëlleusement au gré du zéphir ; une orgueilleuse chaîne d’or chargée de breloques s’étalait, fulgurante, sur son gilet ; ses mains, gantées finement, étaient plongées dans les poches d’un léger et adorable paletot en coutil blanc comme la neige.

Il portait sous le bras droit un assez grand portefeuille rempli d’esquisses artistiques et de croquis exécutés d’après nature, au vol de la vapeur.

Ce beau jeune homme, si aristocratique, se nommait M. Adolphus Halleck, dessinateur paysagiste, qui remontait le Minnesota dans le but d’enrichir sa collection de vues pittoresques.

Les glorieux travaux de Bierstadt sur les paysages et les mœurs des Montagnes-Rocheuses avait rempli d’émulation le jeune peintre ; il brûlait du désir de visiter, d’observer avec soin les Hautes Terres de l’Ouest, et de recuellir une ample moisson d’études sur les nobles montagnes, les plaines majestueuses, les lacs, les cataractes, les fleuves, les chasses, les tribus sauvages de ces territoires fantastiques.

Il était beau garçon, son visage un peu pâle, coloré sur les joues, d’un ovale distingué annonçait une complexion délicate mais aristocratique. On n’aurait pu le considérer comme un gandin, cependant il affichait de grandes prétentions à l’élégance, et possédait au grand complet les qualités sterling d’un gentleman.

La jeune lady qui était proche de sir Halleck, était une charmante créature, aux yeux animés, aux traits réguliers et gracieux, mais pétillants d’une expression malicieuse. Évidemment c’était un de ces esprits actifs, piquants, dont la saveur bizarre et originale les destinent à servir d’épices dans l’immense ragoût de la société.

Miss Maria Allondale était cousine de sir Adolphus Halleck.

— Oui, Maria, disait ce dernier, en regardant par-dessus la tête de la jeune fille, les rivages fuyant à toute vapeur oui, lorsque je reviendrai à la fin de l’automne, j’aurai collectionné assez de croquis et d’études pour m’occuper ensuite pendant une demi-douzaine d’années.

– Je suppose que les paysages environnants vous paraissent indignes des efforts de votre pinceau, répliqua la jeune fille en clignant les yeux.

— Je ne dis pas précisément cela ; tenez, voici un effet de rivage assez correct ; j’en ai vu de semblables à l’Académie. Si seulement il y avait là un groupe convenable d’Indiens pour garnir le second plan, ça ferait un tableau, oui. 

— Vous avez donc conservé vos vieilles amours pour les sauvages ?

— Parfaitement. Ils ont toujours fait mon admiration, depuis le premier jour où, dans mon enfance, j’ai dévoré les intéressantes légendes de Bas-de-Cuir : j’ai toujours eu soif de les voir face à face, dans leur solitude native, au milieu des calmes montagnes où la nature est sereine, dans leur pureté de race primitive, exempte du contact des Blancs.

— Oh ciel ! quel enthousiasme ! vous ne manquerez pas d’occasions, soyez-en sûr ; vous pourrez rassasier votre « soif » d’hommes Rouges ! seulement, permettez-moi de vous dire que ces poétiques visions s’évanouiront plus promptement que l’écume de ces eaux bouillonnantes.

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