Author: | JORIS KARL HUYSMANS, GILBERT TEROL | ISBN: | 1230000619455 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | August 20, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | JORIS KARL HUYSMANS, GILBERT TEROL |
ISBN: | 1230000619455 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | August 20, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
Aussitôt que j’eus achevé mes études, mes parents jugèrent utile de me faire comparoir devant une table habillée de drap vert et surmontée de bustes de vieux messieurs qui s’inquiétèrent de savoir si j’avais appris assez de langue morte pour être promu au grade de bachelier.
L’épreuve fut satisfaisante. — Un diner où tout l’arrière-ban de ma famille fut convoqué, célébra mes succès, s’inquiéta de mon avenir, et résolut enfin que je ferais mon droit.
Je passai tant bien que mal le premier examen et je mangeai l’argent de mes inscriptions de deuxième année avec une blonde qui prétendait avoir de l’affection pour moi, à certaines heures.
Je fréquentai assidûment le quartier latin et j’y appris beaucoup de choses, entre autres à m’intéresser à des étudiants qui crachaient, tous les soirs, dans des bocks, leurs idées sur la politique, puis à goûter aux œuvres de Georges Sand et de Heine, d’Edgard Quinet et d’Henri Mürger.
La puberté de la sottise m’était venue.
Cela dura bien un an ; je mûrissais peu à peu, les luttes électorales de la fin de l’Empire me laissèrent froid ; je n’étais le fils ni d’un sénateur ni d’un proscrit, je n’avais qu’à suivre sous n’importe quel régime les traditions de médiocrité et de misère depuis longtemps adoptées par ma famille.
Le droit ne me plaisait guère. Je pensais que le Code avait été mal rédigé exprès pour fournir à certaines gens l’occasion d’ergoter, à perte de vue, sur ses moindres mots ; aujourd’hui encore, il me semble qu’une phrase clairement écrite ne peut raisonnablement comporter des interprétations aussi diverses.
Je me sondais, cherchant un état que je pusse embrasser sans trop de dégoût, quand feu l’Empereur m’en trouva un ; il me fit soldat de par la maladresse de sa politique.
La guerre avec la Prusse éclata. À vrai dire, je ne compris pas les motifs qui rendaient nécessaires ces boucheries d’armées. Je n’éprouvais ni le besoin de tuer les autres, ni celui de me faire tuer par eux. Quoi qu’il en fût, incorporé dans la garde mobile de la Seine, je reçus l’ordre, après être allé chercher une vêture et des godillots, de passer chez un perruquier et de me trouver à sept heures du soir à la caserne de la rue de Lourcine.
Extrait :
Aussitôt que j’eus achevé mes études, mes parents jugèrent utile de me faire comparoir devant une table habillée de drap vert et surmontée de bustes de vieux messieurs qui s’inquiétèrent de savoir si j’avais appris assez de langue morte pour être promu au grade de bachelier.
L’épreuve fut satisfaisante. — Un diner où tout l’arrière-ban de ma famille fut convoqué, célébra mes succès, s’inquiéta de mon avenir, et résolut enfin que je ferais mon droit.
Je passai tant bien que mal le premier examen et je mangeai l’argent de mes inscriptions de deuxième année avec une blonde qui prétendait avoir de l’affection pour moi, à certaines heures.
Je fréquentai assidûment le quartier latin et j’y appris beaucoup de choses, entre autres à m’intéresser à des étudiants qui crachaient, tous les soirs, dans des bocks, leurs idées sur la politique, puis à goûter aux œuvres de Georges Sand et de Heine, d’Edgard Quinet et d’Henri Mürger.
La puberté de la sottise m’était venue.
Cela dura bien un an ; je mûrissais peu à peu, les luttes électorales de la fin de l’Empire me laissèrent froid ; je n’étais le fils ni d’un sénateur ni d’un proscrit, je n’avais qu’à suivre sous n’importe quel régime les traditions de médiocrité et de misère depuis longtemps adoptées par ma famille.
Le droit ne me plaisait guère. Je pensais que le Code avait été mal rédigé exprès pour fournir à certaines gens l’occasion d’ergoter, à perte de vue, sur ses moindres mots ; aujourd’hui encore, il me semble qu’une phrase clairement écrite ne peut raisonnablement comporter des interprétations aussi diverses.
Je me sondais, cherchant un état que je pusse embrasser sans trop de dégoût, quand feu l’Empereur m’en trouva un ; il me fit soldat de par la maladresse de sa politique.
La guerre avec la Prusse éclata. À vrai dire, je ne compris pas les motifs qui rendaient nécessaires ces boucheries d’armées. Je n’éprouvais ni le besoin de tuer les autres, ni celui de me faire tuer par eux. Quoi qu’il en fût, incorporé dans la garde mobile de la Seine, je reçus l’ordre, après être allé chercher une vêture et des godillots, de passer chez un perruquier et de me trouver à sept heures du soir à la caserne de la rue de Lourcine.