Author: | George Sand | ISBN: | 1230001324099 |
Publisher: | Eric HELAN | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | George Sand |
ISBN: | 1230001324099 |
Publisher: | Eric HELAN |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Vers la fin de l’année 1789, un pauvre pilote-côtier nommé Lockrist disparut, un jour de tempête, sous les récifs de la Bretagne. Il laissa deux fils : Henri, qui se maria et vécut comme il put de la pêche des harengs ; et James, qui s’embarqua en qualité de marmiton sous-cambusier.
Vingt ans après, James Lockrist, après avoir été successivement maître coq d’un grand vaisseau de guerre, cuisinier du gouverneur des Indes, maître d’hôtel de la Chine, et officier de la maison civile du roi de Cambodge, s’établit à la côte de Malabar, et se mit à vivre dans l’opulence. Grâce aux richesses amassées au service de tant d’illustres maîtres, il se construisit une belle habitation dans le goût européen ; après quoi il épousa une riche Anglaise qui lui donna sept enfants.
En devenant mère du dernier, madame Jenny Lockrist mourut. Mais le climat brûlant de l’Inde eut bientôt dévoré sans pitié cette nombreuse postérité.
Il n’en resta qu’une fille, la plus jeune, la plus fluette, la plus impressionnable, et par cela même la plus capable de résister à cette atmosphère de feu : faible roseau qui grandit souple et frêle là où ses frères plus robustes s’étaient desséchés.
En perdant un à un les héritiers prédestinés à son opulence, l’ex-cuisinier du Fils du Ciel (c’est ainsi qu’on appelle l’empereur de la Chine) se détacha presque de ces biens auxquels il semblait condamné à ne pouvoir associer personne.
Il expérimenta combien le luxe a peu de prix pour un homme forcé d’en jouir seul. Sa maison lui sembla moins belle, ses bambous moins élégants, son titre de nabab moins glorieux ; en un mot, cette nouvelle patrie, la patrie de son argent, qu’il avait aimée au point d’oublier la France pendant quarante ans, lui devint peu à peu odieuse en lui enlevant tout l’espoir de sa vieillesse.
Une vive fantaisie d’exilé, et plus encore une fervente sollicitude de père, lui firent souhaiter de revoir les grèves qui l’avaient vu naître, et de soustraire son dernier enfant aux mortelles influences qui le menaçaient.
Eu conséquence, James Lockrist résolut d’enlever sa chère Jenny au soleil de l’équateur avant l’âge de quinze ans, vers lequel tous ses frères avaient péri. Il commença à convertir sa fortune en argent ; et, comme une aussi vaste entreprise demandait encore au moins une année, il se décida à s’enquérir de la famille qu’il avait laissée en Bretagne, afin de renouer quelque relation avec une contrée où il craignait de se trouver isolé...
Vers la fin de l’année 1789, un pauvre pilote-côtier nommé Lockrist disparut, un jour de tempête, sous les récifs de la Bretagne. Il laissa deux fils : Henri, qui se maria et vécut comme il put de la pêche des harengs ; et James, qui s’embarqua en qualité de marmiton sous-cambusier.
Vingt ans après, James Lockrist, après avoir été successivement maître coq d’un grand vaisseau de guerre, cuisinier du gouverneur des Indes, maître d’hôtel de la Chine, et officier de la maison civile du roi de Cambodge, s’établit à la côte de Malabar, et se mit à vivre dans l’opulence. Grâce aux richesses amassées au service de tant d’illustres maîtres, il se construisit une belle habitation dans le goût européen ; après quoi il épousa une riche Anglaise qui lui donna sept enfants.
En devenant mère du dernier, madame Jenny Lockrist mourut. Mais le climat brûlant de l’Inde eut bientôt dévoré sans pitié cette nombreuse postérité.
Il n’en resta qu’une fille, la plus jeune, la plus fluette, la plus impressionnable, et par cela même la plus capable de résister à cette atmosphère de feu : faible roseau qui grandit souple et frêle là où ses frères plus robustes s’étaient desséchés.
En perdant un à un les héritiers prédestinés à son opulence, l’ex-cuisinier du Fils du Ciel (c’est ainsi qu’on appelle l’empereur de la Chine) se détacha presque de ces biens auxquels il semblait condamné à ne pouvoir associer personne.
Il expérimenta combien le luxe a peu de prix pour un homme forcé d’en jouir seul. Sa maison lui sembla moins belle, ses bambous moins élégants, son titre de nabab moins glorieux ; en un mot, cette nouvelle patrie, la patrie de son argent, qu’il avait aimée au point d’oublier la France pendant quarante ans, lui devint peu à peu odieuse en lui enlevant tout l’espoir de sa vieillesse.
Une vive fantaisie d’exilé, et plus encore une fervente sollicitude de père, lui firent souhaiter de revoir les grèves qui l’avaient vu naître, et de soustraire son dernier enfant aux mortelles influences qui le menaçaient.
Eu conséquence, James Lockrist résolut d’enlever sa chère Jenny au soleil de l’équateur avant l’âge de quinze ans, vers lequel tous ses frères avaient péri. Il commença à convertir sa fortune en argent ; et, comme une aussi vaste entreprise demandait encore au moins une année, il se décida à s’enquérir de la famille qu’il avait laissée en Bretagne, afin de renouer quelque relation avec une contrée où il craignait de se trouver isolé...